Chant du converti
Sebastian Rotella

traduit de l'anglais par Anne Guitton
10 X 18
policiers
septembre 2014
403 p.  8,40 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Lire notre interview de Sebastien Rotella « Je suis le produit du rêve américain » > ici 

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Du journalisme à l’espionnage

Le roman d’espionnage se nourrit de l’actualité. Les auteurs étant le plus souvent aux premières loges, parce que journalistes ou proches des milieux du renseignement, leur inspiration colle à la ligne de front des conflits. La « guerre froide » mise de côté, l’après-11 septembre se révèle ainsi une mine inépuisable d’histoires à raconter, plus ou moins imaginaires. Services occidentaux contre jihadistes, cette lutte-là ignore les frontières. C’est ce qu’illustre le journaliste d’investigation américain Sebestian Rotella dans son deuxième roman, « Le chant du converti »

Le précédent, « Triple crossing » (2012), unanimement salué par la critique, remontait les ramifications des cartels mexicains de la drogue depuis Tijuana jusqu’à Washington et à l’Amérique du Sud. C’est là, dans une zone de non-droit entre Brésil, Paraguay et Argentine, que l’auteur reprend aujourd’hui le fil. L’un de ses deux héros, le jeune flic italo-américain Valentin Pescatore s’y est reconverti dans la sécurité privée pour avoir enfreint trop de règles. Un terrible attentat contre la communauté juive de Buenos-Aires va lui faire croiser le chemin d’un ami d’enfance devenu chef de gang et converti à l’islam…

 En se concentrant sur Pescatore, Sebastian Rotella fait un choix judicieux. Imprévisible, intuitif, tête brûlée, cet as de l’infiltration est lesté d’assez de scepticisme pour faire partager ses peurs au lecteur. Et Dieu sait si ses émotions font des montagnes russes. Le journaliste-romancier, prix Pulitzer en 2006, spécialiste reconnu des questions de terrorisme, d’immigration et de sécurité intérieure, nous ouvre une dimension mal connue du jihad, où les réseaux islamistes et trafiquants s’allient par intérêt contre leurs ennemis communs : les états occidentaux. Terrifiant.

 Enquêteur rôdé au terrain comme aux coulisses du pouvoir, Sebastian Rotella sait rendre crédibles les aventures musclées de Pescatore, avec en prime le bon goût de faire court (moins de 400 pages). Et là encore, après le narco-trafiquant Junior Ruiz Caballero de “Triple crossing”, la réussite de son livre tient à la personnalité du « méchant » :chef de gang sans foi ni loi, islamiste par opportunisme, agent triple lié à la fois aux Américains, aux Français et aux Iraniens, Raymond « le converti » est digne des pires traîtres mis en scène par John Le Carré…

Lire également notre interview de Sébastien Rotella, ici

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