Le Monde selon Barney
Mordecai Richler

traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné

Points
mai 2018
600 p.  12 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Les lendemains qui déchantent

Voici l’un des chefs-d’œuvre de Mordecai Richler, surnommé parfois le Philip Roth canadien, dans une nouvelle traduction des éditions du Sous-sol qui poursuivent un travail de réédition remarquable. Ce roman, qui a fait l’objet d’une adaptation au cinéma, est un régal de lecture.

Un roman autobiographique

Montréal, 1995. Cela fait trois ans que la femme de Barney Panofsky est partie, après trente ans de mariage ; bien que la justice l’ait acquitté plusieurs années auparavant, il est encore soupçonné du meurtre de son meilleur ami ; et pour couronner le tout, voici que son ennemi personnel Terry McIver, un célèbre écrivain, publie un torchon mensonger en guise d’autobiographie. Pour se venger et rétablir sa vérité, Barney se lance à son tour dans l’écriture de ses mémoires, parfaitement partiales et partielles. Juif montréalais, directeur d’une boîte de production télévisuelle à succès, Barney a vécu plusieurs vies, une jeunesse bohème à Paris où il épouse en premières noces une artiste névrosée qui deviendra une icône posthume de la féminitude. Après avoir perdu ses illusions, le jeune homme rentre au pays où il se mue en arriviste, faisant fortune dans la télévision, épousant au passage la fille d’un riche industriel, tout en tombant amoureux de celle qui deviendra la troisième madame Panofsky.

« Pas d’armes à feu, pas de drogues, pas d’aliments sains »

Barney est un antihéros par excellence : buveur, coureur, égoïste et sans scrupules, mais aussi désarmant de sincérité dans ses confessions qu’il rédige à mesure que progresse la maladie d’Alzheimer dont il est atteint. On balance entre récit du passé et écriture au présent, dans lequel Barney, plus seul et geignard que jamais, appelle ses enfants pour se rassurer, écrit à sa femme pour la supplier de revenir, et boit plus que de raison avec ses amis, piliers de bar et fans de hockey comme lui. Doté d’un franc-parler qui lui attire des ennuis, Barney Panofsky apparaît aussi désespéré, confronté à la vieillesse et à la décrépitude, à la peur de perdre la mémoire et de finir seul. Mordecai Richler signe là son ultime roman, caustique, drôle et émouvant, chant du cygne d’une époque insouciante du politiquement correct. Jubilatoire !

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