Le Palais de verre
Simon MAWER

Traduit par Céline Leroy
POCKET
mai 2012
633 p.  8,95 €
ebook avec DRM 9,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Un roman limpide et complexe à la fois

Le palais de verre… dont le titre anglais, The Glass Room, ne rend pas lui-même toutes les subtilités du mot allemand « raum » qui, lui, signifie à la fois pièce et espace. Surtout espace. Et c’est cet espace transparent si prégnant dont Simon Mawer fait le vrai héros de son roman. Héros, ou héroïnes, ses personnages sont pourtant nombreux à séduire le lecteur dans ce livre de quatre cents pages, qu’on ne lâche que par nécessité absolue, et qui, une fois achevé, vous donne envie d’en parler, pour partager le plaisir qu’il vous a donné.

En quelques mots, il y est question d’une fabuleuse maison, conçue par un architecte avant-gardiste dans un pays alors tout neuf : la Tchécoslovaquie. Elle est construite sur commande, dans les années trente, par un couple très fortuné, les Landauer. Lui, Viktor, est un industriel : il fabrique des automobiles. Il est juif. Elle, Liesel, son épouse, vient d’une famille catholique. Ils vont avoir deux enfants, Ottilie et Martin, et, en raison de la tourmente à venir, on comprend vite que leur destin va basculer, comme celui de tous ceux qui gravitent autour d’eux.

Toutefois, d’emblée, c’est la maison qui s’impose comme l’épicentre de toutes les émotions du roman. On assiste bien sûr à sa conception, à sa naissance. Puis à son baptême. Aux fêtes données en son honneur. Et plus tard, à sa corruption, à sa décadence, et à sa renaissance.
Et, tour à tour, intrigues, passions, trahisons, déchirements et retrouvailles se déroulent dans la pièce monumentale qui est le cœur de la demeure. Ses deux cent trente quatre mètres carrés sont partagés en deux par une immense cloison d’onyx. Tout n’y est qu’espace et lumière. L’extérieur et l’intérieur de l’espace ne sont, eux, séparés que par un phénoménal panneau de verre escamotable. La limite entre le dehors et le dedans, voilà ce qui intéresse Simon Mawer dans ce roman, et pas que d’un point de vue architectural.

Les personnages sont tous attachants dans leur diversité. Pris un à un, du plus puissant au plus humble, on est fasciné par leurs multiples facettes. Simon Mawer les rend vrais, réels, tangibles. Il lui faut bien préciser dans l’avant-propos qu’il s’agit d’une fiction, on a peine à le croire, tant ils sont faits de chair et de passion, de force et de faiblesse. L’arrière plan historique, lui aussi, est criant de vérité.
Mais, encore une fois, c’est la maison, le lieu, qui fascine encore plus que les personnages. Il est évocateur de l’ascendant que peut prendre une demeure sur ses habitants. Le lieu a beau passer de conquis à conquérant, de perdant à vainqueur, être victime d’assauts aussi humiliants que ceux que le peuple subit, il résiste.
C’est donc cet endroit magique qui relie tous les personnages, les enferme, les relâche, les observe (grâce à l’œil de son
« concierge », homme-à-tout-faire équivoque et magouilleur), les récupère, façonne leur vision du monde, leurs souvenirs, et bien entendu, leurs amours polymorphes.

Simon Mawer touche ici à l’essentiel : au miracle de l’amour qui réunit, par delà les vicissitudes de la vie, ceux qui n’auraient jamais dû se quitter, au fond. Dans ce roman, quand on perd quelqu’un en route, (littéralement) c’est comme dans la vraie vie, on se pose la question : comment le ou la retrouver ? Chapitre après chapitre, le lecteur envoûté se raccroche à tous les indices. Mais, comme dans la vraie vie, la perte est parfois irrémédiable, ce verre cassé-là ne se répare pas. La brisure de nos cœurs ne peut être colmatée, un temps, que par l’émotion infinie que procure la lecture de certains romans.

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