Le testament de Marie
Colm Toibin

10
pavillons
août 2015
113 p.  6,10 €
 
 
 
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coup de coeur

Marie de Nazareth est au bout de sa vie, deux visiteurs qui la surveillent (probablement Jean et Paul) l’interrogent continuellement sur son fils. Ils veulent écrire l’histoire de celui dont ils ont compris qu’il a sauvé l’humanité. Ils veulent lui faire dire des choses qu’elle ne dira pas sur sa mort.

Marie dans un long monologue nous racontera son fils, qu’elle ne nommera à aucun instant. Elle nous racontera ses souvenirs, sa souffrance de mère qui a perdu le sommeil de chagrin et de tristesse depuis de nombreuses années.

Marie nous parlera de son petit garçon fragile et peureux. Avec son regard de mère cartésienne, elle avait vu venir le danger et essayer de mettre en garde et sauver son fils qui pour elle provoquaient des attroupements d’égarés.

Mon fils, lui ai-je dit, a réuni autour de lui une bande d’égarés qui n’étaient que des enfants comme lui, ou des hommes incapables de regarder une femme dans les yeux. De ces hommes qu’on voit sourire tout seuls, ou déjà vieux alors qu’ils sont encore jeunes. Aucun d’entre vous n’était normal.

Elle nous parlera des « miracles », de la guérison du paralytique, de la résurrection de Lazare, des noces de Cana et du changement de l’eau en vin. Elle n’a jamais approuvé la mise en danger de son fils, et a toujours refusé de céder à la facilité de la croyance de tout cela. Elle nous parle avec son coeur de mère des tentatives de mise en garde de son fils pour le sauver sans succès.

A un moment il n’avait plus besoin d’elle et des distances se sont créées entre eux, c’est mon sentiment.

Elle nous conte le coeur déchiré, la mise à mort de son fils, elle n’épargne rien des horribles détails de sa mise à mort : couronnes d’épines, clous et l’horreur de la crucifixion. J’ai ressenti son impuissance, cette douleur immense et les remords de la fuite inéluctable pourtant à la mort de son fils.

Un récit court mais dense de la douleur d’une mère qui veut à tout pris transmettre la VERITE.

Il n’est pas ici question de religion, que l’on soit croyant ou pas peu importe, ce récit est universel.

Une écriture puissante, envoûtante, limpide, d’une force et d’une violence incroyable. Un livre qui ouvre à la réflexion et qui témoigne on ne peut mieux de l’amour et de la douleur d’une mère.

Un nouveau coup de coeur de cette rentrée littéraire.

Les jolies phrases

La mémoire emplit mon corps autant que le sang et que les os.

Le poison n’était plus dans mon coeur. J’ai regardé l’ancienne déesse, qui en a vu plus que moi, qui a souffert d’avantage parce qu’elle a vécu davantage.

Je sais qu’ils l’ont soigné et que c’était comme si une merveilleuse récolte avait été fauchée par le vent de la nuit, ou qu’une pestilence avait flétri les fruits des arbres ; le simple fait de mentionner son nom ou de s’enquérir de lui attirait le malheur.

C’était l’enfant à qui j’avais donné naissance, et voilà qu’il était plus vulnérable qu’il ne l’avait été même alors.

Or ce qui est étrange, et qui me paraît étrange encore après toutes ces années, c’est d’avoir été capable de me contrôler, de peser le pour et le contre, de regarder, immobile, et de savoir que c’était juste.

Les rêves appartiennent de façon solitaire à chacun d’entre nous, comme la douleur.

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