Les enfants de la veuve
Paula Fox

Folio
avril 2011
272 p.  7,50 €
 
 
 
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coup de coeur

Alma mater.

Dans « Les enfants de la veuve », la romancière américaine Paula Fox nous invite à une réunion de famille aux allures de tragédie antique, enveloppée dans une écriture sobre et élégante, tout à la fois féroce et sensible.

New York, début des années 70. Laura et son mari Desmond sont sur le point de partir en voyage en Afrique. A cette occasion, ils ont organisé un dîner de départ où sont invités Clara, la fille de Laura née d’un premier mariage, Carlos, l’un de ses deux frères, ainsi que Peter Rice, un vieil ami éditeur. Ces derniers doivent rejoindre le couple fortuné dans sa chambre d’hôtel avant de se rendre tous ensemble au restaurant. Cette soirée prend d’emblée un caractère funeste, Laura venant d’apprendre la mort de sa mère Alma dans sa maison de retraite, et ayant inexplicablement décidé d’en garder le secret. On se demande par ailleurs ce qui pousse ces personnages à se réunir, car manifestement aucun n’a envie de participer à cette petite fête dominée par Laura, beauté flétrie, impulsive, capricieuse et manipulatrice. Clara ne parvient pas à s’affranchir de l’emprise de sa mère, malgré le ressentiment qu’elle éprouve pour celle qui l’a abandonnée à la naissance en laissant à sa grand-mère le soin de l’élever ; Carlos, homosexuel démonstratif et critique musical médiocre, est impatient de rejoindre son amant d’un soir, tandis que Peter, toujours un peu amoureux de Laura, est en pleine crise morale et existentielle. Ainsi, peu à peu, la soirée tourne au règlement de comptes ; la chambre d’hôtel est une véritable scène de théâtre confinée où fusent des répliques assassines à peine voilées, entrecoupées de monologues intérieurs. Les dialogues sont extrêmement maîtrisés, et l’auteur réussit à ménager des apartés, des tête-à-tête sur fond de plaisanteries et d’anecdotes amusantes. Derrière la superficialité de ton surgissent en effet des vérités, les rancœurs se manifestent, même si les réponses aux provocations restent parfois en suspens. Comme souvent dans les réunions de famille, les masques finissent par tomber, et les égocentrismes se retrouvent unis contre un bouc-émissaire originel. Heureusement, les retrouvailles ont toujours un lendemain, que certains espèrent différent, se promettant un nouveau rôle, une nouvelle place sur l’échiquier affectif.

Paula Fox traite avec vérité et empathie des rapports de force humains et de l’influence maternelle à leur origine. Les rôles sont fluctuants, rien n’est jamais figé sur cette scène où le burlesque côtoie le tragique, et le pathétique est contrebalancé par l’ironie. C’est une vraie réussite que ce roman moderne qui s’empare d’un mythe aussi ancien que celui de Médée.

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