Les Neuf cercles
R. J. Ellory

traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau
Le Livre de Poche
octobre 2014
696 p.  8,70 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un polar un peu trop bavard

On ne reprochera pas à Roger Jon Ellory de manquer d’ambition. Dans « Les neuf cercles », son sixième roman, l’auteur de « Seul le silence » s’attache à ausculter à la fois les traumatismes de deux anciens combattants et les mentalités des riches Blancs du Mississippi, le tout sur fond de crime non résolu. Vaste programme pour un Anglais natif de Birmingham. Il est vrai que lui s’avoue fasciné non seulement par les tueurs en série mais aussi par le Sud profond et par le chef-d’oeuvre de Truman Capote « De sang-froid ». Et que, livre après livre, il décline cette triple fascination en allant défier sur leur terrain les plus grands noms du polar US.

Le policier des « Neuf cercles », John Gaines, rappelle ainsi très fort Dave Robicheaux, le héros créé par James Lee Burke. Ce flic trentenaire, culpabilisé d’être revenu vivant du Vietnam, vit en ascète et s’investit dans ses enquêtes pour se réconcilier avec lui-même. Un cadavre, retrouvé dans les boues d’une rivière vingt ans après le meurtre, vient le renvoyer à ses pires cauchemars. Car pour découvrir qui a tué et mutilé cette jeune fille, il doit bousculer la mémoire très perturbée de son amoureux de l’époque, vétéran lui aussi, mais de la Deuxième guerre mondiale.

 De cette confrontation, on pouvait attendre un roman qui prenne aux tripes. Mais RJ Ellory s’impose un jeu complexe de flashbacks vers les passés respectifs du flic, de la victime et du suspect. Et le collage peine parfois à trouver du sens. D’un éclair de style, d’une formule bien balancée, l’auteur relance le récit, puis s’enlise à nouveau dans les monologues intérieurs de Gaines, bavards, démonstratifs, insistants. « Les Neuf Cercles » tourne à vide et déçoit.

Ne s’attaque pas qui veut à ces états du sud qui ont nourri l’inspiration de tant de grands écrivains. Un savoir-faire de conteur ne suffit pas à installer l’atmosphère poisseuse de cette terre de préjugés. Dans le décor d’une grande ville, où la culture locale est moins prégnante, RJ Ellory fait oublier sans peine que ses racines ne sont pas américaines (« Les Anges de New York »). Ici, il souffre de la comparaison.

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