L'Étrange affaire du cadavre souriant
Miguel Miranda

EDITIONS DE L'AUBE
aube noire
février 2014
272 p.  10,80 €
 
 
 
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Une affaire « entre deux »

C’est un peu dans le désordre que nous découvrons en France l’œuvre de Miguel Miranda qui ne compte pas que les aventures de son insupportable et trop sympathique détective Mário França. « Quand les vautours approchent » datait en effet de 2004, « Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel » de 2011 et « L’étrange affaire du cadavre souriant » que nous découvrons aujourd’hui date de 1997 (publié en 98). C’est avec ce dernier que l’auteur obtint une certaine reconnaissance avec le Prix Caminho de littérature policière. A part ces trois romans policiers qui mettent en vedette le « plus grand détective du monde », Miguel Miranda est auteur de romans (pas policier), de contes et de livre pour la jeunesse. Il est par ailleurs médecin, de son premier métier.

Il est sans doute indispensable pour un détective d’avoir du flair, comme on dit. Dès la première page nous savons que Mário França a bien un sacré flair. Au sens propre, celui de l’odorat. Il semble qu’il pourrait même en remontrer au meilleur des chiens policiers et que Jean-Baptiste Grenouille, le héros du Parfum (Patrick Süskind) soit à ses côté un petit amateur. Du flair et un sens du bluff omniprésent, il va en avoir bien besoin dans cette affaire qui évoque irrésistiblement l’univers d’Agatha Christie, tant par son décor et ses personnages que par la façon dont avance l’enquête. Mais Mário França n’est pas Hercule Poirot ni Miss Marple, son style et sa technique, ses acolytes et ses sources, plongent leur racines dans un univers moins feutré. Plus brutal même: dans la misère et les pratiques louches d’un grand port et d’une grande cité qui remue: prostituées dans un quartier des plus glauques (celui où vit le « grand » Mário) ou marginaux d’une très urbaine et moderne cour des miracles.

Nous rencontrons les membres d’une grande famille de propriétaires, producteurs et négociants de vin de porto. Un univers où, culture de la « high class » brittanique oblige, les choses ne se disent pas et où l’on a plutôt l’habitude de garder les choses entre soi. Mais quand la vieille tante Gladys Cleminson a été retrouvée morte, rien ne va plus, et chaque membre de la famille a des choses à révéler et à taire en même temps.

En parallèle à cette affaire, Mário est aussi confronté à un autre cas qui lui tient beaucoup plus à cœur, celle d’un ancien compagnon d’armes de l’époque où ils tenaient le maquis contre la dictature de Salazar et contre ceux qui voulaient la maintenir, refusant la réalité de la Révolution des œillets. Le « Vieux », Lopes Trotil, a été lui aussi assassiné et le détective se demande si les deux affaires ne sont pas liées… Mais peut-être ces idées ont-elles besoin d’être un peu remis en ordre… Heureusement il y a sa thérapeute, Ophelia, pas très orthodoxe comme thérapeute mais efficace, et si chaleureuse…

Et au bout du compte, j’ai été bien déçu par ce premier opus, pourtant primé, des enquêtes de Mário França. La sauce ne prend pas aussi bien que dans les opus qui suivront et la façon dont l’intrigue est menée, dont l’enquête est menée nous empêche de rentrer dedans, de nous sentir concerné. Tout se passe ailleurs et nous découvrons soudain le récit alambiqué de l’affaire et la satisfaction un rien vaniteuse du personnage principal. L’humour y est, mais il sera bien plus convaincant et séduisant dans les prochaines enquêtes du grand détectives (celles qui ont déjà été traduites).

Cela sent un peu le « premier livre » où le talent de l’auteur ne donne pas encore toute sa mesure. Ceci étant, nous aimerions quand même bien découvrir les autres facettes de l’œuvre de Miguel Miranda.

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