Luz ou le temps sauvage
Elsa Osorio

Points

472 p.  8,20 €
ebook avec DRM 8,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

coup de coeur

Mon résumé : C’est l’histoire de Miriam qui veut devenir mannequin… et qui pour payer l’école de mannequinat en vient à se prostituer puis à nouer une relation avec Pittioti, dit « La Bête » et à avoir envie d’un enfant. C’est aussi l’histoire de Mariana et Eduardo qui perdent leur bébé à la naissance. Et enfin l’histoire de Liliana qui est enceinte et accouche d’une petite Lili. Et puis il y a l’Histoire tout autour. Celle avec un grand H. Celle de l’Argentine en 1976. Une Argentine aux mains des militaires de Perón. Une dictature militaire qui fomente la disparition forcée de milliers d’opposants et le règne de la torture. C’est Luz, 20 ans, qui, par le récit qu’elle fait à Carlos, lie toutes ses histoires. Un Carlos qu’elle a recherché pendant 2 ans au moins… Mon avis Voici encore un livre à mettre dans la catégorie Coup de cœur-coup de poing… En faisant alterner le récit de Luz et les remarques de Carlos l’auteur plonge vraiment le lecteur dans l’histoire et l’Histoire. Luz nous rapporte les pensées, le vécu, les questionnements de chaque protagoniste. Et les réactions de Carlos, livrées au fur et à mesure, rendent le récit plus poignant, plus vivant. Ce procédé permet également d’éviter une vision simpliste de l’histoire, où les révolutionnaires seraient les gentils et les militaires les méchants. On voit au cours du récit les personnages évoluer, grandir presque. Cela est particulièrement apparent pour le personnage de Carlos. S’il commence par en vouloir à Luz d’utiliser le terme papa quand elle parle de celui qui l’a élevée, il comprend petit à petit le ‘pourquoi du comment’ de sa relation à cet homme. Plus que d’une simple histoire de filiation, ou même d’une énième critique de la dictature argentine, ce livre soulève le problème de la culpabilité. Pourquoi Eduardo a-t-il agi comme ça ? De quelle manière assumer les conséquences de ses choix (ou non-choix ?) ? Peut-il « réparer » ses erreurs ? Si oui, comment le faire ? Ce livre pose, à travers les personnages d’Eduardo, de Carlos des questions sur la notion filiation ; sur le sentiment de filiation. Un enfant doit-il aimer ses parents ? Peut-il les aimer quels que soient leurs actes ? Un enfant a-t-il le droit de juger, de condamner les actes de ses parents ? Comment le lien parent-enfant se construit-il ? Peut-il se bâtir sur des mensonges ? Comment la relation d’une fille à sa mère influe-t-elle sur la femme que cette dernière deviendra ? Se construit-elle grâce ou en dépit de cette relation ? L’histoire racontée par Luz nous interroge aussi sur notre attitude, et nos rapports à l’histoire de notre pays, du monde qui nous entoure. Doit-on se tenir au courant de l’actualité ? Peut-on choisir d’ignorer certains faits pour vivre ? C’est vraiment un livre dense et riche en interrogations qu’a écrit Elsa Osorio. Et elle réussit en plus à ne jamais juger ses personnages, et à ne jamais tomber dans le moralisme (un vrai challenge) ou les clichés. Les personnages sont pour la plupart attachants, et en tout cas ne laissent pas insensibles. On peut tous les « comprendre », même « les méchants » Citations « Toi tu es là-dedans parce que tu crois en une société plus juste, tu me l’as dis, moi je crois que dalle, tu comprends ? Je crois que tout est merdique et je n’ai pas l’intention de mourir pour un truc en quoi tu crois et moi pas. » « Tu ne crois pas que les grands experts en révolution que vous étiez auraient pu se demander s’ils avaient le droit d’exposer un enfant au risque de disparaître, comme vous-mêmes, de se voir voler votre identité. Ces gosses n’ont pas eu, comme leurs parents le choix de courir ce risque en fonction telle ou telle idéologie. […] C’était la morale révolutionnaire ou du pur égoïsme? » « Mes propres parents m’ont exposé à ce terrible destin : disparaitre….en restant en vie. » « Mais il n’y a pas d’amis, d’affections, de fidélités, il n‘y a rien qui résiste à la torture. » « Luz était-elle coupable d’aimer cet homme qui l’avait volée ? » « Pleurer avec quelqu’un qui souffre de la même chose n’est pas pareil que ces larmes solitaires, stériles parce que c’est savoir qu’il y a un temps pour les larmes et un temps pour l’action. »

partagez cette critique
partage par email