Maudit mercredi
Nicci FRENCH

traduit de l'anglais par Marianne Bertrand
Pocket
mai 2014
640 p.  8,70 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Pas de répit!

La petite Dora Lennox rentre tranquillement de l’école. Elle pousse la porte de sa maison, appelle sa mère et la découvre baignant dans son sang, le visage entièrement détruit. En une fraction de secondes, le bonheur de la famille Lennox, du père et des trois enfants Ted, 18 ans, Judith, 15 ans et Dora explose.
L’affaire est immédiatement confiée à l’inspecteur divisionnaire, Malcolm Karlsson qui, cette fois, est obligé de se passer des services de sa complice, la thérapeute Frieda Klein, enfin pour un temps….
Frieda qui se remet d’un grave traumatisme, vient de se lancer par pure intuition sur les traces de Lila Dawes, une jeune femme qui semble avoir disparu de la surface de la terre, laissant un père éploré.  Sans le savoir, Frieda rejoint l’enquête que le journaliste Jim Fearby mène depuis des années sur des jeunes filles, pour la plupart bien insérées dans leur milieu qui, un jour, se sont volatilisées.
L’investigation sur l’assassinat de Ruth Lennox, pendant ce temps, piétine. Qui désirait la mort de cette femme, unanimement aimée et appréciée par les siens, ses voisins et amis? Très vite, l’hypothèse d’un cambriolage qui aurait mal tourné a été écartée. En pleines conjectures, Karlsson fait appel à Frieda. La première réaction de la thérapeute lorsqu’elle se rend sur place est que le lieu du crime ressemble à s’y méprendre à une mise en scène dans laquelle la victime se présenterait comme une excellente épouse et une très bonne mère. Quels secrets Ruth Lennox cherchait-elle à dissimuler? Sur cette simple réflexion, la police finit par exhumer des coïncidences troublantes et c’est une toute autre personnalité qui se fait jour.

Après « Lundi mélancolie » et « Sombre mardi » le couple Nicci French (Nicci Gerrard et Sean French) signe un épisode bien plus âpre des aventures de ses protagonistes fétiches, l’inspecteur Karlsson et Frieda Klein. Trahisons, enlèvements, abus, viols, actes irréversibles, la noirceur sourd dans un Londres inquiétant où le pire est toujours certain.
Pas d’accalmie pour les héros des French particulièrement pour Frieda, sous les projecteurs,  confrontée à ses pires cauchemars- la silhouette menaçante de Dean Reeve plane toujours- et qui, une nouvelle fois, met sa vie en jeu.

Après une scène inaugurale d’une implacable violence, le mécanisme French met cette fois un peu de temps à s’engager mais dès qu’il est enclenché, plus de répit pour le lecteur mis sous tension jusqu’à la toute dernière page.

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Super saga, super Frieda

Une intelligence intuitive et analytique en même temps, un besoin de solitude et tous les paumés à ses basques, une écoute attentive et des accès de repli sur soi… En deux romans, Frieda Klein a imposé dans l’univers du polar sa personnalité toute en paradoxes. A la différence de son homologue californien le Dr Alex Delaware, créé par Jonathan Kellerman, complément idéal dans l’action du flic Milo Sturgis, la psychologue londonienne imaginée par Nicci French, auxiliaire officieuse de la brigade criminelle, est du genre observatrice silencieuse. Elle est pourtant le principal sujet de chaque histoire, son véritable centre d’intérêt, plus complexe que les intrigues auxquelles elle se trouve mêlée.

Dans « Maudit mercredi (Le jour où les jeunes filles rencontrent la mort) », troisième volet d’une saga prévue en huit, super-Frieda montre même de quoi elle est capable, à peine remise de l’agression d’une psychopathe qui l’a envoyée à l’hôpital (« Sombre Mardi »). La voici tout à la fois conseillant son ami l’inspecteur Karlsson sur le meurtre d’une mère de famille exemplaire, recueillant les enfants de la victime, repérant des disparitions en série ignorées de la police, assistant sa propre soeur déprimée et hébergeant sa nièce en crise, tout en servant de repère à ses vieux copains marginaux. Il y a bien son amoureux qu’elle néglige, exilé à New York, mais comment pourrait-il lui en vouloir…

Frieda la psy peut donc suivre ses vibrations intérieures sans entraves. La mère de famille assassinée et les jeunes disparues ne sont pas les énigmes les plus opaques qui soient. En voyant où elle porte spontanément son regard, on se fait vite une idée. Le vrai suspense est ailleurs, dans son cheminement intérieur, ses contre-pieds, ses rêveries nocturnes. Comme si ses créateurs Nicci Gerrard et Sean French – le duo fusionnel du roman policier – craignant l’ennui la cinquantaine venue et le nid familial déserté, s’étaient imaginé une compagne assez coriace pour les tenir en haleine jusqu’en 2020.

« Nous avons eu l’idée d’une femme secrète, difficile à vivre, distante, maussade”, avouaient-ils lors de la sortie de “Lundi mélancolie”, en 2012. « Frieda est un mystère en elle-même, et ce mystère sous-tend toute la série”. Le pari suppose une adhésion exclusive du lecteur. Aimez Frieda et vous apprécierez les romans. Mais comment lui résister ? Dans une société cruelle pour les faibles, au milieu de policiers trop souvent désarmés, son intellect acéré, son coeur généreux et son intraitable droiture la placent au-dessus de la mêlée. Une héroïne moderne, aux valeurs chevaleresques.

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