Mirage
Douglas KENNEDY

Pocket
roman
mai 2015
448 p.  7,60 €
 
 
 
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mirage

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Le Kennedy nouveau n’est pas un très bon cru…

Douglas Kennedy fait partie de ces auteurs qui, sans en être spécialement « fan », occupent pas mal de place sur les étagères de mes bibliothèques. Rien de bien original d’une fois à l’autre, disons-le franchement, une marque de fabrique suffisante, même, pour que je me retrouve une fois ou deux à hésiter dans les rayons d’une librairie (« L’ai-je déjà lu ou pas? »), mais une plume qui constitue généralement la promesse d’un bon moment. Des romans dans lesquels « tout roule », qui m’embarquent dès le premier chapitre et dont les pages se tournent toutes seules. Des personnages bien décrits, bien ancrés dans l’histoire, au point qu’on a l’impression de les connaître depuis bien plus longtemps que les quelques dizaines de pages que l’on vient d’avaler.

Je n’ai pas lu Cinq jours, ni Murmurer à l’oreille des femmes, son recueil de nouvelles, je ne peux donc pas m’exprimer sur ses derniers ouvrages, mais je dois reconnaître avoir été déçue par celui-ci. Certes, la plume est toujours là, avec son pouvoir d’évocation, sa faculté à créer une ambiance, un décor, à faire ressentir au lecteur, en quelques phrases, la chaleur du désert marocain. Mais que cette intrigue est bourrée de clichés! Et comme Robyn est exaspérante, coincée dans son incapacité congénitale à admettre qu’elle s’est plantée et qu’elle ne pourra pas changer son mari. Il arrive un moment où la dévotion conjugale tourne davantage à la parodie qu’à la volonté de prendre sur soi. Et en ce qui me concerne, il n’aura pas fallu attendre les derniers chapitres pour atteindre ce point-là. Qu’elle m’a semblé énervante et peu crédible, cette femme qui, se découvrant trahie par un homme qui l’avait déjà tant déçue, se lance sur ses traces dans un pays inconnu, seule, au péril de sa vie, en se répétant qu’elle va de toute façon certainement le quitter (« Mais quitte-le et rentre chez toi, bon sang! »). Qu’elle est pénible, à s’obstiner à remettre son sort entre les mains d’un bandit notoire au lieu de se rendre à l’ambassade américaine (il est vrai que, dans ce cas, on perd la moitié du roman…). Je pense que, de toutes les décisions qu’il ne fallait pas prendre, elle n’en a pas ratée une seule. Tout comme elle n’a pas loupé une occasion d’arriver toujours 5 minutes trop tard, juste après le passage de son mari (en plus de mal choisir son mec, elle n’a décidément pas de chance). Bref, j’ai eu l’impression d’assister à un enchaînement de clichés, d’idées reçues et de caricatures, entre vilains pas beaux, arnaqueurs ordinaires, honnêtes Berbères et Américains pleins aux as (coups de pub au passage pour Rolex et Tiffany).

Les seuls vrais « plus » pour moi : les quelques chapitres passés dans le désert en compagnie d’une adorable gamine (scènes de solidarité féminine, non dépourvues de douceur, mais qui n’évitent pas non plus quelques facilités), et l’amour que Kennedy porte à la langue française et qui transparaît à plusieurs reprises.

En ce qui me concerne, il est loin, le temps de La poursuite du bonheur et des Charmes discrets de la vie conjugale. Rendez-moi « mon » Kennedy !

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Un très bon cru !

Bonne nouvelle, le dernier opus commis par Douglas Kennedy est un très bon cru, dans la veine de « L’homme qui voulait vivre sa vie » et de « Une relation dangereuse ». Avec tous les ingrédients pour faire un bestseller : une situation presque idyllique qui vire au cauchemar, un contexte propice à l’aventure avec une petite touche d’exotisme, un couple pris dans l’étau du mensonge, une femme qui doit faire face et se révèle ainsi à elle-même. Mais ce qui en fait un bon livre c’est la psychologie fouillée de Robyn, et la finesse du traitement de l’intrigue, notamment quand il s’agit de confronter l’héroïne à un pays et une culture qu’elle découvre totalement.

Robyn et Paul sont mariés depuis trois ans. Pour Robyn, c’est un second mariage et l’espérance d’un enfant à l’aube de ses quarante ans. Paul a beau être beaucoup plus âgé qu’elle, il n’en est pas moins immature. Ce que Robyn sait parfaitement puisqu’elle l’a rencontré lors d’une mission d’expertise comptable, les finances de Paul, artiste bohème genre adolescent attardé ayant grand besoin d’être remises au carré pour éviter des ennuis avec le fisc. Et le carré, Robyn, ça la connaît. Sérieuse, pragmatique, du genre à tout anticiper… Une façon de combattre l’héritage génétique que son père, joueur invétéré et individu attachant mais irresponsable aurait pu lui transmettre. On est souvent attiré par son contraire et pour des raisons complexes, parfois indéterminées, qui prennent leurs sources dans des ramifications psychologiques qui font justement le bonheur des romanciers.

Lorsque Paul propose à Robyn un voyage au Maroc, elle n’en attend que des bénéfices. Les comptes de Paul ont enfin retrouvé une allure normale, cela fait quelques mois qu’ils essaient de concevoir un enfant, changer d’air ne pourra que leur être favorable. Et puis elle n’a jamais quitté le continent américain alors le Maroc lui semble être le summum de l’aventure. Sauf que, dès l’atterrissage à Casablanca, Paul semble bizarre. Même si tout s’arrange lorsqu’ils s’installent à Essaouira où ils vivent deux semaines idylliques : Paul retrouve une inspiration qui l’avait longtemps déserté et produit une magnifique série de dessins, leur vie amoureuse les mène chaque jour près du nirvana, Robyn elle-même arrive à lâcher un peu prise et à décrocher de ses clients. Une information va tout remettre en question. Une révélation que Robyn ne peut recevoir que comme une trahison de la part de Paul. Paul disparaît, des traces de sang dans leur chambre éveillent les soupçons de la police et déclenchent la panique chez Robyn. Car même si leur mariage semble voué à une fin précoce, elle craint pour la vie de son mari. Robyn se lance donc à sa poursuite, à partir d’indices et de découvertes qui viennent chaque jour épaissir la liste de questions qui entourent le passé de Paul. De Casablanca à Marrakech en passant par Ouarzazate et les oasis du Sahara, Robyn se retrouve livrée à elle-même et tributaire des rencontres, bonnes ou mauvaises qui jalonnent son chemin.

Encore une fois, les hommes n’ont pas souvent le beau rôle. Le personnage de Paul est assez chargé et représente tous ces hommes qui ne savent pas décider, ce qui se résume souvent à ne pas savoir dire non et à se demander comment sortir des situations dans lesquelles ils se sont fourrés. Robyn a pris les choses en main et a fermé les yeux. Combien de couples se reconnaîtront ? Beaucoup, n’en doutons pas même si toutes les histoires ne finissent pas comme celle de Robyn et Paul.

Et puis il y a le Maroc, celui des villes et celui du sud. La confrontation ou plutôt le choc des cultures. Les a priori des américains, leur façon de penser que tout se règle avec de l’argent. La débrouille et la solidarité du peuple marocain malgré la pauvreté, l’état policier et quelques escrocs qui espèrent bien tirer parti du moindre dollar qui passe à proximité. J’ai apprécié que l’auteur ne force pas le trait, qu’il décrive un Maroc réel, loin de la carte postale, qu’il s’intéresse à la situation particulière des berbères et qu’il privilégie la simplicité dans les traits de caractère de ses personnages qui ressemblent effectivement à ceux que l’on peut rencontrer sur les routes du sud. J’ai particulièrement aimé la séquence où Robyn est recueillie par une famille berbère dans une oasis en plein désert, avec une belle solidarité féminine assise sur trois générations. Une expérience qui contribue à lui ouvrir les yeux et qui la changera à tout jamais.

Lisez-le, régalez-vous et, quand vous l’aurez refermé, jetez un coup d’oeil à votre compagne ou compagnon et demandez-vous si tout ceci n’est pas qu’un mirage…

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