Mon père sur mes épaules
Metin Arditi

Points
mai 2017
120 p.  5,90 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Mon père, cet inconnu

Vingt ans après sa mort, un fils se souvient de son père. Qui était vraiment le héros de son enfance ? Homme d’affaires installé à Istanbul, celui-ci se montrait toujours charmeur, intelligent, admiré de tous. L’écrivain d’origine turc ressuscite ses baisers, sa sagesse mais le revoit aussi très occupé et incroyablement lointain. Le petit garçon passe en effet très peu de temps avec ses parents, ce qui est inhabituel dans cette bourgeoisie juive stambouliote. Jusqu’à ses 7 ans, il est confié à une gouvernante autrichienne.

Expédié en Suisse

Après la mort de sa sœur, à deux ans, d’une maladie foudroyante, le petit Metin est inexplicablement envoyé à deux mille kilomètres d ‘Istanbul, dans un pensionnat suisse. Quel contraste avec la douceur orientale ! «La mesure était disproportionnée », écrit- il, désespéré. Car les week-ends, les vacances pendant l’année sont passés seul, à l’internat , et le temps des retrouvailles au mois d’août est bien court. A 10 ans, un accident assez grave est considéré comme « le meilleur moment de sa vie » car son père et sa mère accourent à son chevet, et la famille, même amputée de sa sœur, se reconstitue.

Un personnalité complexe

Le garçon se construit alors avec l’écriture, la musique, les filles dont celle de Charlie Chaplin, un voisin de l’internat. En égrenant ses souvenirs, de Crans –sur- Sierre, Sils -Maria cher à Nietzche ou de l’ancienne Constantinople , Metin Arditi fait émerger la figure d’un père complexe, qui peut gronder puis s’écrouler en larmes, ne jamais exhiber ses sentiments , se disputer avec son fils sur la question juive, mais aussi l’encourager à la lecture avec ces quelques mots: « Les livres, mon fils, c’est autre chose » . Celui qui est devenu écrivain en convient « J’ai passé ma vie à essayer de lui faire plaisir, prêt à tout pour que mon père m’admire » . Portrait d’une dette infinie, ce beau et court texte s’analyse comme un cri d’amour, une volonté de conserver celui qu’on a tant aimé encore vivant, au creux des pages. Poignant .

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