Moyenne
Laurence Kiberlain

Le Livre de Poche
mai 2013
144 p.  5,60 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Le bonheur se cache mais nous attend

« On est de son enfance comme d’un pays », disait Antoine de Saint Exupéry, celle de Laurence Kiberlain fut heureuse. Deux sœurs et leurs parents, un cocon bienveillant qui puise sa force dans l’amour des siens, la mémoire de grands-parents, juifs polonais, et résiste avec l’humour. Au sein de cette famille, Laurence se voit moyenne, ni stupide ni intelligente, ni laide ni jolie. Une vie ordinaire l’attend et de petits bonheurs réconfortants.  Mais n’est-ce pas une lutte acharnée que de se maintenir à la moyenne ?  Déjà enfant, la narratrice craint pour la vie et la santé de ses proches avec une inquiétude particulière. Elle fait face à l’anxiété de façon peu commune, cultivant l’énergie vitale de son enfance et retenant les moments heureux qu’elle utilise comme une arme. Lorsque le malheur tapi dans l’ombre frappe, elle est presque prête. La maladie et le deuil du père, la perte d’un petit garçon prématuré, les traitements et les souffrances qui attendent sa sœur jumelle survivante, l’attente du verdict : pourra t-elle marcher ? Les heures, les jours, les mois passés à l’hôpital, l’annonce du handicap, la séparation … Le téléphone n’annonce plus que de mauvaises nouvelles.

Avec des mots simples, des phrases cliniques, l’auteur fait l’autopsie du chagrin, dissèque la vie quotidienne devenue grave à chaque instant. « C’est un pays où les odeurs ne sont pas les mêmes, les lumières non plus, les gens sont différents, dans leur façon de parler, de vous regarder, la nourriture y est étrange, la notion du temps nous est inconnue. » Et puis, il y a les autres, ceux qui vous aiment et que l’on aime, ceux que l’on n’attendait pas. La famille, les amis, les médecins, les infirmières. Des liens indéfectibles se tissent et tendent un parachute. C’est une fille moyenne qui n’avait que des relations intenses comme on aimerait en avoir tous. Pour ne pas tomber, pour ne pas flancher. À force de dérouler des fils, Laurence Kiberlain parviendrait presque à nous faire croire que l’orage est passé. Se battre devient une évidence comme il est certain que l’amour nous sauve. Le bonheur se cache mais il nous attend. C’est un livre de courage et d’espoir. Et si finalement rien n’était grand, rien n’était petit, tout serait au milieu. Quelque part, une ligne médiane ferait l’harmonie et l’équilibre. C’est peut-être celle-ci qu’il faut traquer. La moyenne.

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