Opération Sweet Tooth
Ian McEwan

Traduit de l'anglais par France Camus-Pich
Folio
janvier 2014
464 p.  8,50 €
ebook avec DRM 8,49 €
 
 
 
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Ian McEwan se prend pour John le Carré !

Tout à la fois roman d’espionnage dans la veine d’un John Le Carré, déclaration d’amour à la littérature et romance,  « Opération Sweet Tooth » nous plonge dans l’Angleterre des seventies, en pleine guerre froide sous la plume alerte de Ian McEwan

La très jolie Serena Frome  aime les livres et les hommes. Etudiante à Cambridge, elle tombe dans les bras d’un professeur d’histoire, Tom Canning. Mais Canning n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît et a pour sa jeune maîtresse une ambition singulière : qu’elle entre au MI5 ou service secret de Sa Gracieuse Majesté.

Serena devient donc sous-officier stagiaire car à cette époque, les femmes ne peuvent guère ambitionner plus que « constituer des dossiers, un fichier et des archives ». Pourtant la jeune femme va devenir la cheville ouvrière d’une mission « Sweet Tooth ». Sous ce terme délicat, est élaborée une opération : approcher un écrivain prometteur aux opinions solidement anticommunistes et subventionner ses travaux. Car comme le souligne les supérieurs de Miss Frome, l’opposition est-ouest n’est pas seulement « un enjeu politique et militaire mais également une guerre culturelle ». Serena va donc rencontrer l’auteur sélectionné, Thomas Haley mais rien ne se déroule comme prévu.

De la manipulation comme un grand art ou plus précisément qui des services secrets ou des écrivains trompent le mieux son monde, voilà ce qu’aborde dans ce roman réjouissant Ian McEwan.  L’auteur britannique joue avec son lecteur, ses personnages et construit, s’inspirant de faits réels, une intrigue divertissante pleine de fraîcheur. 

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Les années d’apprentissage de McEwan.

Ian McEwan signe avec Opération Sweet Tooth un roman d’apprentissage sur fond de guerre froide, situé dans l’Angleterre du début des années 1970. Il y décrit avec réalisme l’ascension puis la chute d’une jeune femme immergée dans les services d’espionnage.

Serena Frome, jolie fille fraîchement diplômée de Cambridge, insouciante quant à son avenir, rencontre par hasard à la fin de ses études un professeur à la retraite, avec qui elle noue une idylle pendant un été. Tony Canning joue le rôle de l’amant initiateur, tant sur le plan amoureux qu’intellectuel : avec lui, cette fille d’évêque anglican goûte les plaisirs délicats, apprend à s’intéresser à l’actualité, à la politique et à l’histoire, elle qui n’avait jusque-là de goût que pour la lecture de romans faciles de ses contemporains. A la fin de ses vacances, elle est engagée comme simple secrétaire au MI5, l’agence secrète de renseignements anglaise. Puis, quelques mois après après son embauche, elle se voit confier une mission par ses supérieurs : sous le couvert d’une fondation culturelle, elle doit convaincre à son insu un auteur encore inconnu d’accepter une subvention en échange de l’écriture d’un roman, usage confidentiel mais courant, qui invite subrepticement les intellectuels à instiller dans le peuple une pensée positive sur le monde occidental et à dénigrer le communisme du bloc de l’Est, qui de son côté emploie de semblables pratiques. Les agents du MI5 voient en Serena l’appât idéal pour attirer un jeune homme comme Tom Haley, ce fameux écrivain prometteur, mais même les officiers les mieux informés ne maîtrisent pas les conséquences de leurs procédés souterrains. Serena se prend vite au jeu de sa double vie, secrétaire des services secrets et amante espionne et clandestine d’un romancier en devenir. L’Opération Sweet Tooth se révèle être un véritable jeu de la vérité que Serena finira par ne plus maîtriser, et dont elle ne sortira pas « indemne », dit-elle dans les premières lignes de ce roman raconté à la première personne.
Dans ce roman d’amour à suspens où le réel rejoint la fiction, pour ne plus faire qu’un, il est question des rapports complexes qu’entretiennent la littérature et les apparences, et du pouvoir que les romanciers exercent non seulement sur leurs personnages mais aussi sur les lecteurs ravis et emportés que nous sommes.

Au milieu des mensonges d’état et du mensonge à l’échelle plus individuelle, qui détient la vérité ? Et d’ailleurs, existe-t-elle seulement ? Le romancier pose les problèmes essentiels du roman et de la liberté des auteurs de tout temps, mettant au jour les tentatives de prise de pouvoir sur les esprits par les institutions qui toujours échouent devant l’imagination toute puissante. Par des mises en abymes vertigineuses, Ian McEwan, conteur-menteur, joue sa partition en virtuose, sans fausses notes, et nous mène par des chemins de traverses à sa propre vérité.

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