critique de "Où la lumière s'effondre", dernier livre de Guillaume SIRE - onlalu
   
 
 
 
 

Où la lumière s'effondre
Guillaume SIRE

Plon
août 2016
240 p.  18 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Internet : ami ou ennemi ?

Décidément j’aime cette faculté qu’ont les éditions Plon de choisir des écrivains ancrés dans le réel et qui nous offrent un regard affûté et très contemporain sur le monde dans lequel nous vivons. Où la lumière s’effondre ne déroge pas à la règle, dans un registre plus cartésien qu’émotionnel mais c’est le propos qui veut ça. Le sujet c’est Internet. Omniprésent, omniscient, omnipotent. Au point de se demander régulièrement s’il apporte la liberté ou l’aliénation, s’il ouvre nos horizons ou au contraire les réduit, les contraint sans que nous nous en rendions compte. Guillaume Sire met en scène un duo de petits génies du web, de ceux qui jouent dans la cour des grands aux côtés des Larry Page, feu Steve Jobs, Mark Zuckerberg, Bill Gates, Jerry Yang ou Marissa Meyer. Paul Mercier et Robin Valery sont des figures de la Silicon Valley, créateurs de génie, opportunistes qui ont vu parmi les premiers le potentiel offert par la création d’Internet et ont su en tirer profit grâce au caractère visionnaire de Paul et aux talents de programmation de Robin. Mais Paul a fini par se retourner contre sa créature, convaincu qu’elle lui échappe et ne correspond plus aux idéaux qui ont guidé son développement. Paul a décidé de détruire Internet et a mis au point un savant dispositif mêlant une armée de 10 000 hommes à des ressources technologiques de pointe pour parvenir à ses fins, contre l’avis de Robin. Quelques jours avant de passer à l’action, Paul est abattu en pleine rue et hospitalisé dans un état critique, sous l’étroite surveillance d’un policier, Malone qui soupçonne les intentions criminelles de Paul sans pouvoir les prouver. Paul demande à Robin de mener le projet à son terme à sa place. « Internet est devenu grâce à nous un miroir qui renvoie ce que vous montrez et vous dit ce que vous pensez en confirmant ce que vous croyez ». Robin, tout en étant parfaitement conscient de la perversion du système possède assez de détachement et de cynisme pour s’en satisfaire et apprécier sa vie telle qu’elle est, sans s’embarrasser d’idéaux. A cheval entre deux mondes, le réel de chair et de sang figuré par sa femme et son fils, le virtuel sur lequel il base sa réussite et dans lequel il pense toujours être capable de garder la maîtrise de la situation. Pourtant, la proposition de Paul le tente. Va-t-il déclencher le plan de son ami et lancer la destruction d’Internet ? Grâce à cette intrigue déroulée comme un polar, l’auteur nous propose de nous interroger sur notre rapport à Internet, sur l’image du monde que le réseau nous renvoie, sur les vérités qu’il nous impose sans que nous cherchions à les remettre en cause. Avec une question centrale : qui dirige vraiment internet ? Et ceux qui le dirigent ont-ils désormais tous les pouvoirs ? « L’informatique est régie par une politique douce mais puissante, qui consiste à conduire les conduites des utilisateurs sans leur révéler qu’il y a derrière leur dos un gouvernant et un gouvernement, leur faire croire qu’ils sont libres en veillant à ce que la clôture soit invisible : la liberté du tournebroche. Nous décidons ce qu’ils ont le droit de faire, comment, quand, où, dans quelle direction et à quel point. » Le personnage de Robin symbolise parfaitement cette ambivalence, conscients que nous sommes d’un certain degré d’aliénation mais peu désireux de perdre la sensation de liberté que nous procure Internet. Et nous suivons sa réflexion, ses hésitations avec un intérêt d’autant plus fort qu’il nous parle de nous. Un roman prenant qui nous montre à quel point la technologie est entrée dans nos vies et nous invite à réfléchir sur la place que nous voulons qu’elle occupe réellement. Presque une question philosophique cachée sous une intrigue policière du 21ème siècle.

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Imaginez la vie sans Internet…

Paul et Julia Mercier ont entrepris le projet d’une vie, de toutes nos vies : la destruction pure et simple d’Internet sous le nom de code Pandora, tout un programme ! Paul est malheureusement la victime d’une attaque et demande à son ami d’enfance, Robin Valéry, de prendre sa place à la tête du projet qui requiert tout de même de concerter les actions de 10.000 personnes aux missions différentes. Robin, tout comme Paul, a activement participé à la création d’Internet, à faire de la Sillicon Valley ce qu’elle est (de Valley à Valéry, il n’y a qu’un pas que nous franchirons allègrement), à côtoyer tous les pontes connus ou inconnus de l’aventure numérique. Il doute donc de ce projet. Tout le livre concentre ainsi les réflexions de Robin, homme au pouvoir absolu sur lui-même et sur la vie des autres : il a accès à toutes les ressources, à toutes les informations. En démiurge, il hésite à tuer son propre enfant virtuel. Ses questionnements montrent petit à petit au lecteur tout le potentiel d’un système tout à la fois utile et néfaste, selon la façon dont on l’utilise, dont on le pervertit ou pas. Internet n’est que ce que l’être humain en fait : paradis ou enfer, il n’est pas autonome, n’est pas doté d’une intelligence ou d’une volonté propre. Il n’est qu’algorithmes et analyses de nous-mêmes. Paul est le Prométhée qui a offert Internet aux hommes, il est celui qui porte la pouvoir de prévoyance de l’être humain, celui qui tire le signal d’alarme. Robin est l’Epithémée, celui qui a réparti les qualités entre les animaux mais a oublié les hommes, le symbole de l’étourderie et de l’absence de réflexion, il est celui qui agira sans clairvoyance, sans réflexion. Internet survivra-t-il aux atermoiements de Robin ? Paul reprendra-t-il la main ? Peut-il faire confiance en son ami ? Quel est le rôle de Julia, la femme de Paul, qui semble être l’instigatrice du projet Pandora ? Guillaume Sire insiste à juste titre sur le pouvoir du langage : le langage, la parole cimentent les relations humaines. Si on cesse de nommer les choses, d’imposer notre langage, on perd notre pouvoir. On perd la maîtrise, on perd la trace, on perd l’origine et on perd donc au final l’humain. Il ne faut pas laisser à Internet le pouvoir de nommer les choses (et les êtres), de donner du sens à ce qui nous entoure au risque de ne plus avoir de conscience propre. Dans ce roman époustouflant et édifiant, Guillaume Sire nous livre une réflexion sombre sur Internet et sur ses dévoiements. A nous de réfléchir, lecteurs, sur toutes ces questions et d’apporter nos propres réponses. « Internet est devenu grâce à nous un miroir qui renvoie ce que vous lui montrez et vous dit ce que vous pensez en confirmant ce que vous croyez. » « Le langage, c’est le pouvoir. Le mot précède la chose depuis que notre civilisation est entrée dans l’Histoire. Il n’y a rien qui ne soit soumis au signifiant. Soit le mot tue la chose, soit il la domestique ; c’est en nommant les animaux qu’Adam a pu les chasser et les asservir. » « C’est le problème avec Google : je ne sais pas comment je sais mais je sais. Je ne sais pas d’où vient l’information mais je l’ai. » « Au commencement était le verbe ; à la fin, le smiley. » « A défaut d’être celui qui sait ou qui comprend, je suis celui qui est connecté. »

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