Pétronille
Amélie Nothomb

Le Livre de Poche
août 2014
160 p.  6,40 €
 
 
 
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coup de coeur

Pétillant…

Un grand cru que la publication 2014 d’Amélie Nothomb.
Pétillant comme le champagne qu’elle aime tant et dont elle fait l’éloge. Ce n’est pas la première fois, dans « Le fait du prince » il prenait déjà une place primordiale.

Amélie nous fait ici l’éloge de l’ivresse « L’ivresse ne s’improvise pas. Elle relève de l’art qui exige don et souci. Boire au hasard ne mène nulle part ».
Elle aimerait trouver une compagne de beuverie, une convigne. Elle la rencontrera à Paris lors d’une séance de dédicaces en librairie.

Nous sommes en 1997 à la sortie d’ « Hygiène de l’assassin », elle rencontrera Pétronille Fanto, un petit bout de femme de 22 ans à l’allure d’un garçon manqué de 15 ans. Elles fêteront leur rencontre au Roederer.

Avec cet écrivain en devenir exigeant, en marge, spécialiste de la littérature élisabéthaine naîtra une belle histoire d’amitié qui nous emmènera de Paris à un palace Londonien, en passant par un pavillon de banlieue à Bobigny et une station de ski à « Acariaz ».

Un passage absolument époustouflant, à ne manquer sous aucun prétexte la rencontre interview menée par Amélie de Vivienne Westwood.

Un livre drôle, avec beaucoup d’auto dérision. Une plume fluide et agréable comme seule Amélie en a le secret qui vous emmène dans son monde surréaliste. Un vocabulaire et de multiples références littéraires apportent comme toujours un niveau d’écriture intéressant.

Un roman qui nous parle de l’ivresse, de champagne, rien que de grands crus… Il nous parle aussi d’amitié, de deux univers opposés qui se rencontrent. Un livre qui rend hommage aux libraires, aux lecteurs mais aussi au monde de l’édition et de la galère pour un auteur pour se faire remarquer et publier.

Un bon millésime.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases

Boire en voulant éviter l’ivresse est aussi déshonorant que d’écouter de la musique sacrée en se protégeant contre le sentiment du sublime.

Pétronille avait cet air de garçon des rues qui devait être aussi l’aspect de ces auteurs immenses, tous morts avant trente ans dans des rixes idiotes de sortie de taverne.

En mondanités, le champagne est presque meilleur. Plus le contexte est hostile, plus il fait figure d’oasis c’est le résultat qu’on ne peut obtenir en buvant chez soi.

Si les vins rehaussent la nourriture, l’inverse n’est jamais vrai.

Il me semblait avoir touché le fond. Même si le penser porte malheur. Le réel s’empresse toujours de vous montrer à quel point vous manquez d’imagination.

Me farcir l’assyriologie entière me resterait sur l’estomac, quand picorer quelques caractères cunéiformes en guise d’apéritif, de runes en entrée, la pierre de Rosette en plat de résistance et des mains négatives préhistoriques en dessert exalte mes papilles.

Ce qui n’a jamais été fait n’est ni légal, ni illégal, tranchai-je d’un air définitif.

Que mon nom accélère les démarches, c’est dans l’ordre des choses. Que tous les éditeurs refusent un texte aussi beau et périlleux, c’est une honte.

Ne vous donnez pas tant de mal pour cette Fanto. Vous savez bien que dans le monde des lettres, les prolétaires n’ont aucune chance.

C’est le plus beau métier du monde. On ne peut pas espérer qu’il soit facile.
Il a l’air facile quand on te regarde. J’ai toujours rêvé d’être écrivain, mais c’est de t’avoir vue qui m’a persuadée d’essayer pour de vrai.

Retrouvez Nathalie su rson blog 

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coup de coeur

Le spleen des écrivains

Amélie Nothomb nous conte cette fois l’histoire, improbable, d’une amitié entre deux femmes qui au départ ne semblent avoir en commun que leur goût pour la littérature et l’écriture. L’une est une romancière, connue et reconnue, l’autre débute et collectionne ses livres. Tout commence par une correspondance, sur laquelle on regrette un peu de n’avoir pas plus de détails, et prend une autre dimension à l’occasion d’une séance de dédicaces.

Très vite, nous découvrons qu’au-delà de leurs nombreuses et criantes différences, elles partagent la même insatisfaction profonde, le même vide intérieur et mystique, celui qui caractérise tellement d’écrivains.

L’amitié permet de se retrouver essentiellement pour partager ce qu’on aime. Ici il s’agit de boire du champagne et de s’enivrer. Une appréciable quantité de bouteilles, de toutes marques, qualités et millésimes seront vidées par ces deux héroïnes dans leur quête commune de la griserie dont la narratrice nous dit qu’elle pourrait rendre l’existence acceptable.

De fait, l’ivresse permet toutes les transgressions en rapprochant deux êtres qui n’ont que peu en commun, issus de milieux totalement opposés pour ne pas dire d’univers différents et qui ne se rencontrent normalement pas. Nous découvrons deux créatures qui s’étonnent l’une l’autre, se heurtent et se choquent même mais vont développer une dépendance mutuelle.

Si l’ivresse consiste à se perdre et à mourir un peu, alors la compagnie d’une personne élue devient nécessaire, voire impérieuse. Se perdre oui, mais ensemble. La narratrice a trouvée en Pétronille, la  » convigne  » idéale, dont le prénom même évoque ce précieux viatique choisi pour les accompagner et les soutenir sur leur chemin de vie.

Ce roman se lit avec le plaisir intense et garanti auquel nous a habitués l’auteure, mais, avec ça et là des moments de trouble inattendus. L’humour Nothombien est toujours là mais il masque une certaine gravité, une interrogation sur la valeur de la vie, les ambitions dérisoires des uns et le vide intérieur des autres.

Un livre que vous ne sauriez lire sans la compagnie de votre nectar favori.

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