Le jour des saints
Nicci French

traduit de l'anglais par Marianne Bertrand

avril 2019
451 p.  20,50 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Suite et fin

Ils n’en avaient pas fini avec elle. Nicci Gerrard et Sean French, alias Nicci French, n’avaient pas tout dit du personnage de Frieda Klein, la psychologue londonienne sur laquelle ils ont bâti leur saga policière en sept volets, un par an depuis 2012. Leur héroïne si énigmatique, dont l’hypersensibilité fait l’admiration de ses proches mais les lui rend vite insupportables, attendait d’affronter enfin le tueur en série qu’elle a traqué sans relâche depuis « Le jour où les enfants disparaissent (Lundi mélancolie) » jusqu’à « Tout s’arrête (Fatal dimanche) ».

Il manquait un huitième volet, il manquait une chute. Soit celle du visage du Mal, Dean Reeves, psychopathe sans vrai mobile hormis jouer au plus fin, au plus retors, avec cette quadra solitaire, joueuse d’échecs, qui lit dans ses meurtres comme dans les déplacements d’un fou. Soit celle de l’incarnation du Bien, cette Frieda ascétique, peignant le soir pour faire le vide et marchant la nuit pour réfléchir, chez qui brûle toujours un doux feu de cheminée et une violente pulsion sacrificielle.

Tout au long de ce « Jour des Saints » qui boucle la boucle, le couple et duo de journalistes-romanciers joue de cette incertitude. Arrêter le cours de l’histoire en neutralisant le criminel ou bien en fermant les yeux de celle qui l’a mis à nu ? Les deux adversaires se cherchent et s’évitent en même temps, assurés qu’il y aura un mort au croisement. Frieda s’y prépare sans peur. Comme si cela ne suffisait pas, les auteurs lui imposent un boulet. Une étudiante instable et collante, son exact opposé, dont le verbiage sans filtre va l’inspirer et qu’elle finit par prendre sous son aile.

Un quatrième personnage s’en mêle : la ville. C’est elle qui cimente l’histoire. Dans un décor à peine daté, Nicci French ne prétend à rien d’autre que nous balader, au propre comme au figuré. Pur exercice d’imagination sur une intrigue intemporelle, sans le moindre message caché ni clin d’œil à l’actualité. De Londres, ses canaux, ses rivières, ils font les alliés de Frieda. Efficaces, ils s’interdisent toute divagation gratuite mais osent de jolis moments de poésie urbaine.

A plus d’un titre, il y a dans leur Frieda Klein un peu de Sherlock Holmes. Sherlock qui lit les rues de Londres à livre ouvert, enregistre un détail échappant à un cerveau ordinaire, affronte un Moriarty invisible et met en scène sa propre mort pour le tromper. Frieda, elle, devine les cours d’eau souterrains qui ordonnent la ville, anticipe les mensonges avant qu’on les lui dise et joue à cache-cache avec un Reeves indéchiffrable. Son ultime enquête est un classique au meilleur sens du terme.

 

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