Hôtel Waldheim
Francois Vallejo

Points
août 2018
304 p.  7,40 €
 
 
 
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Fiction ou vérité?

Une carte postale anonyme ramène l’écrivain Jeff Valdera presque quarante ans en arrière. Il avait alors seize ans et passait quelques semaines de vacances dans la station suisse de Davos. Mais pour quelle raison exhumer cet épisode anodin ? Entre jeux de mémoire et affaire d’espionnage, notre homme est pris au piège d’une histoire dont il est le héros malgré lui… Machiavélique, drôle et jouissif !

Jeux de souvenirs

C’est une Zurichoise qui vient raviver les souvenirs de Jeff Valdera ; elle se présente comme la fille d’un pensionnaire de l’hôtel Waldheim où logeaient le garçon et sa tante. Frieda Steigl est persuadée que l’écrivain détient des informations sur son père, disparu peu après cet été-là. Pour l’adolescent d’alors, ce séjour n’avait rien d’excitant : excursions, lecture et jeux de société en constituaient les activités essentielles ; certes il se lia avec le personnel de l’hôtel et d’autres estivants, dont le propriétaire et le père de cette fameuse Frieda, tous deux férus d’histoire. Il se souvient bien d’une vieille dame passionnée de littérature qui l’initia à l’œuvre de Thomas Mann, et aussi d’un couple de journalistes, mais ce n’était là que d’éphémères connaissances. Frieda Steigl affirme au contraire qu’il aurait joué un rôle plus important que ce qu’il prétend dans la coulisse de cet hôtel un peu particulier.

 On n’en dira pas davantage sur l’intrigue, véritable thriller littéraire et politique sur fond de Guerre froide. Mais on peut vous assurer qu’il est impossible de lâcher ce livre avant la fin. L’écriture sobre et élégante sert la construction minutieuse de ce puzzle rétrospectif, au fur et à mesure que les souvenirs émergent. Avec la distance, ceux-ci prennent une toute autre signification ; mais le passé recomposé correspond-il vraiment à la réalité vécue ? Cette réécriture des faits est ce qu’Aragon appelait déjà le « mentir-vrai », source de vertige. Si les actions sont réinterprétées à l’infini, où est la vérité ? Peut-être dans la fiction, au risque d’en être pris au piège, comme une quatrième dimension. A ce jeu-là, François Vallejo est très fort.

 

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coup de coeur nuit blanche

Premier conseil au sujet de ce roman : 1) ne pas lire la 4e de couv – je ne les lis jamais car certaines racontent beaucoup trop ! 2) ne lire aucun article à son sujet (sauf le mien, bien sûr, hihi, car je vous promets que vous ne saurez RIEN.) Oui, moi j’ai eu la chance de me lancer dans un livre qui a très vite piqué ma curiosité tout simplement parce que je ne savais PAS DU TOUT où il allait me mener… Et disons-le, l’effet de surprise est tout de même génialissime et nous tient en haleine jusqu’au bout (oui oui, il y a du thriller dans ce roman!)
Alors sachez que vous pouvez lire cette chronique tranquillement, je ne vous livrerai AUCUN secret.
Vous allez donc faire connaissance avec un certain Jeff Valdera, quinquagénaire habitant à Sainte-Adresse, qui, un beau matin, reçoit une carte postale un peu étrange, c’est le moins que l’on puisse dire ! D’abord parce que plus personne n’écrit de carte postale (si ? Vous ? ah pardon !) Et puis, le modèle est ancien, un peu jauni. Pas de signature. Et quelques lignes dans un français plus qu’approximatif : « ça vous rappelle queqchose ? »
La carte postale a été postée en Suisse, à Zurich plus exactement. Quatre vues sont représentées : deux de paysages enneigés de Davos (canton des Grisons) et deux autres d’un hôtel : l’hôtel Waldheim. Est-ce que ce lieu, et notamment cet hôtel, rappelle quelque chose au narrateur ? Oui… et non ! Oui parce qu’il y a séjourné adolescent , dans les années 70, en compagnie de sa vieille tante Judith qu’il accompagnait un peu la mort dans l’âme. Non parce qu’il ne garde de ce lieu aucun souvenir si ce n’est un voyage en train-couchette au cours duquel il avait pu admirer une jeune Allemande se mettre quasi nue avant d’enfiler une tenue de nuit. Effectivement, il se souvient aussi très vaguement du patron de l’hôtel, de clients pas très jeunes et d’une vieille femme, une certaine Mme Finkel, passionnée par Thomas Mann et sa Montagne magique qui se passe justement à Davos… mais tous sont certainement morts et enterrés au moment où il reçoit cette carte. Si c’est de ces gens-là dont il faut se souvenir, ça va être difficile ! Et puis, pourquoi chercher à se plonger dans une époque très ancienne dont il a à peu près tout oublié ? Oui, pourquoi ?
Notre Jeff Valdera s’apprête donc à oublier dans un coin cette carte postale défraîchie, lorsqu’une autre missive du même acabit tombe dans sa boîte à lettres…
Et c’est là que ma mission de chroniqueuse prend fin. Maintenant, croyez-moi sur parole. Vous allez être happé par ce texte dont les thèmes principaux, comme vous l’aurez peut-être deviné, tournent autour de la mémoire, de la perception consciente et inconsciente que nous avons des êtres et des événements. J’ai pris un très grand plaisir à lire ce roman passionnant, très original et non dénué d’humour. Allez-y les yeux fermés… vous ne serez pas déçu !
Au fait, il est toujours en lice pour le concours !
On y croit !

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