Si rude soit le début
Javier Marías

traduit de l'espagnol par Marie-Odile Fortier-Masek
Folio
janvier 2017
597 p.  9,70 €
ebook avec DRM 9,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

La tyrannie du silence

Auteur phare de la littérature contemporaine espagnole, traducteur, essayiste, passionné de cinéma, Javier Marias a reçu de nombreux prix dans le monde entier. Dans son dernier roman, il décortique patiemment et avec minutie les relations de couple et leur lot de mensonges et de trahisons enfouis, au moment où l’Espagne a voulu faire table rase de son passé après presque quarante ans de dictature franquiste.

L’envers du décor

Fraîchement diplômé au début des années 1980, Juan de Vere devient le secrétaire particulier d’Eduardo Muriel, cinéaste de séries B. Le jeune homme s’installe à demeure dans l’appartement madrilène de son patron, de sa femme Beatriz et de leurs trois enfants. Là, il a tout le loisir d’observer le couple qui dissimule un conflit larvé dont Beatriz est la victime résignée et Muriel le tyran obscur. Par ailleurs et en dehors de ses attributions, le réalisateur demande à Juan d’enquêter sur le passé d’un de leurs amis intimes. Attiré par la belle et énigmatique Beatriz, fasciné par Eduardo, intrigué par le médecin de famille pervers, Juan se fond en voyeur dans une atmosphère de faux-semblants. Immergé dans la contre-culture festive de la Movida, il découvre par quels tours de passe-passe la loi d’Amnistie générale inhérente à la démocratie s’est transmuée en loi d’amnésie, mais qu’il n’est pas si facile de se refaire une réputation, les secrets les mieux gardés finissant par échapper à leurs détenteurs.

Conteurs menteurs

Dans ce roman de formation d’un jeune homme pris dans les filets d’une histoire qui n’est pas la sienne mais qui finira par le devenir, on parvient à cette question tout autant intime qu’historique : faut-il tout connaître de l’autre ? Parsemée de références cinématographiques et littéraires, la narration labyrinthique un peu bavarde, avec ses impasses et ses fausses pistes, nous entraîne dans une histoire à plusieurs niveaux qui oppresse le lecteur et interroge le pouvoir des mots et du silence. On regrettera cependant que la traduction alourdisse parfois la prose de ce grand roman du secret, habile et machiavélique.

 

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