Sarkozy-Kadhafi. Histoire Secrete d'une Trahison
Graciet Catherine

Points
Essais
septembre 2013
 7,20 €
ebook avec DRM 7,49 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Pouvoir, pétrole et pognon

Le livre de Catherine Graciet « Sarkozy Kadhafi, histoire secrète d’une trahison » paraît accompagné d’un lancement de presse conséquent. Evidemment le sujet est intéressant. On se souvient de l’apparition télévisée de l’un des fils de Kadhafi, Seif el Islam, peu de temps avant l’intervention militaire initiée en grande partie par Nicolas Sarkozy. « Il faut que Monsieur Sarkozy rende l’argent qu’il a accepté de la Lybie. C’est nous qui avons financé sa campagne et nous en avons la preuve. » Ce sont bien des preuves que nous attendions de ce livre, mais force est de constater qu’elles n’y sont pas.
Catherine Graciet a la conviction que ce financement est bien réel –elle confirme le montant de 50 millions d’euros déjà révélé par Mediapart, payé en deux fois (on a tous des problèmes de trésorerie !), plus 7 millions de commission versés à un intermédiaire. Elle décrit avec précision le modus operandi et affirme que ces preuves – dont elle a l’honnêteté de dire qu’elle ne les a pas vu -, notamment une vidéo impliquant un homme politique français, sont détenues par des kadhafistes qui les divulgueront le moment venu. A l’époque des premières révélations par Mediapart, Sarkozy a nié et intenté une action pour usage de faux qui suit son cours. Gageons qu’il n’attaquera pas ce livre, certainement relu par un avocat qui a su imposer les conditionnels nécessaires.

Si, sur le plan des preuves cet ouvrage, écrit un peu vite, est donc décevant, il reste malgré tout passionnant. On plonge dans l’univers de la diplomatie parallèle, où les affaires et les ventes d’armes font couler l’argent à flot. Tout cela est parfaitement décrit, totalement convaincant et l’on réalise à quel point les droits de l’homme, la politique arabe de la France et patati et patata ne pèsent rien quand il s’agit de vendre des Rafales, d’envisager de transférer des technologies nucléaires, d’acheter du gaz ou même de vendre des systèmes de flicage de l’internet.

Ce qui est intéressant aussi, c’est l’organisation de tout cela au plus haut niveau de l’état. Tout était centralisé à l’Elysée par Claude Guéant, qui sera au cœur de toutes les négociations avec la Lybie (et avec le Proche-Orient et l’Afrique en général). On a du mal à croire, après la lecture de cette enquête, que la seule vente de deux tableaux de petits maîtres (via la Malaisie !) et quelques primes payées au noir puissent justifier tout l’argent liquide qu’il a dépensé.
L’actualité est taquine qui met sur le devant de la scène un autre homme-clef de cette diplomatie élyséenne que l’on croise souvent dans ce livre: Boris Boillon. Celui qui a participé à la négociation en vue de la libération des infirmières bulgares avec l’inévitable Claude Guéant, avant de devenir ambassadeur de France en Irak, puis en Tunisie s’est reconverti dans les affaires. Il vient de se faire attraper avec 350.000 € et 40.000 $ en liquide avant de monter dans le train pour Bruxelles. C’est ballot. A sa décharge, convenons que le Thalys a beaucoup augmenté ces derniers temps.

Enfin, le livre de Catherine Graciet apporte un éclairage fort utile au moment où l’on s’apprête à intervenir en Syrie. Elle raconte qu’un commando français avait été envoyé en Lybie pour abattre Seif el Islam (sur ordre de qui ?). Informés des plans français, ce fils de Kadhafi fut protégé puis exfiltré vers le Niger par les services …russes. On voit aujourd’hui les même forces et les mêmes alliances se mettrent en place. Les Américains, les Anglais et les Français (de plus en plus liés aux Qataris), s’opposent à nouveau aux Russes qui n’ont pas envie de voir leur dernier allié dans la région finir comme Kadhafi. Il y a là un parfum de guerre froide qui pourrait bien trouver un ultime développement dans les sables de ce désert gorgé de gaz et de pétrole. Au nom de la liberté, de la démocratie et du respect des populations civiles. Cela va de soi.

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