Tout ce que nous aurions pu être toi et moi, si nous n'étions pas toi et moi
Albert Espinosa

Traduit par
Christilla Vasserot
Le Livre de Poche
mars 2013
216 p.  6,60 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Attention O.L.N.I (objet littéraire non identifié) !

À l’issue de ma lecture de ce livre au titre à rallonge, mais non moins poétique Tout ce que nous aurions pu être toi et moi si nous n’étions pas toi et moi, titre qui ne révèlera l’essence de son secret qu’à la toute dernière phrase, un seul et unique mot me vient à l’esprit pour qualifier ce roman : OVNI, ce récit est inclassable, étonnant, un objet littéraire non identifiable en quelque sorte.

Jugez plutôt : Marcos, le narrateur de cet étrange roman vient d’apprendre que sa mère, une chorégraphe de renommée internationale vient de mourir. Durant tout le récit, il n’a de cesse d’évoquer cette mère, castratrice, voire un brin incestueuse, et s’épanche sur cette relation fusionnelle qui n’est désormais plus. Son plus cher désir est de pouvoir s’injecter le fameux produit révolutionnaire qui lui permettra de ne plus dormir afin que les souvenirs de sa mère ne viennent plus le hanter pendant son sommeil.

Mais Marcos n’est pas qu’un fils rongé par le désespoir causé par la perte de sa mère, il n’est pas non plus qu’un peintre du dimanche qui n’a pas percé. Marcos possède un don mystérieux qui lui permet de voir dans le souvenir de ces interlocuteurs, de ressentir leurs pensées les plus profondes. La police fait d’ailleurs fréquemment appelle à lui lorsqu’elle souhaite tout connaître d’individus avares en confession. La vie de Marcos va être chamboulée lorsque les services de l’état vont à nouveau faire appel à lui pour « lire » dans les souvenirs d’un individu qualifié par la presse d’extra-terrestre.

Un jeune homme égaré, une mère castratrice, un produit qui permet à l’homme de ne plus jamais dormir, un extra-terrestre… Tous ces ingrédients enchevêtrés, liés en une osmose fantasmagorique auraient dû -pu- me faire détester ce livre. Et pourtant… La plume d’Albert Espinosa, jeune auteur espagnol est tellement légère, toute en subtilité qu’elle embarque le lecteur dès les premières pages, impossible alors de ne pas se laisser prendre par ces digressions loufoques et fantastiques. Le texte de ce premier roman est magnifique, tout en pudeur et en retenue, il décrit avec une sensibilité teintée de mélancolie ce qui fait la vie, ces petits riens comme la fonction essentielle de son propre oreiller (car n’y a-t-il pas quelque chose de plus personnel qu’un oreiller) comme ces grands tout : la rencontre et la douloureuse perte du grand amour.

Tout ce que nous aurons pu être toi et moi si nous n’étions pas toi et moi est un roman parfois déconcertant, mais si l’on accepte de se laisser porter par la douce folie de l’auteur, on en ressort délicieusement étonné, entre rêve et réalité, comme lorsque l’on émerge des limbes du sommeil…

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