Un Bébé d'or pur
Margaret Drabble

traduit de l'anglais par Christine Laferrière
Le Livre de Poche
février 2014
432 p.  7,30 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un amour d’or pur

Sœur cadette de l’immense A. S. Byatt, proche amie de Salman Rushdie et de feu Doris Lessing, Dame Margaret Drabble  est une grande romancière britannique étonnamment méconnue en France. En 2009, à l’approche de ses 70 ans, elle avait pris la décision d’arrêter d’écrire. Elle n’en a rien fait, son dix-huitième et dernier roman est une réussite éclatante sur un sujet pourtant bien délicat à traiter : le handicap mental.

 Dans le swinging London des années 60, Jessica Speigh est une brillante anthropologue. Elle tombe amoureuse et enceinte d’un homme marié qui la quittera sans reconnaître l’enfant. Jess va élever seule sa fille Anna, dans le quartier de Blackstoke Road, épaulée par une communauté d’amis, d’amants de l’intelligentsia bohème. Du soutien, elle va en avoir plus que besoin, car Anna  qui « rayonne d’une joie innée » souffre d’un lourd retard cognitif. Elle fait partie de cette catégorie d’enfants que la société à court de mots justes qualifie communément de simples d’esprit, de déficients. Margaret Drabble va trouver pour son héroïne une magnifique appellation, un vers emprunté à Dame Lazare, poème de Sylvia Plath : « Bébé d’or pur ».

Histoire d’amour de toute une vie entre une mère et sa fille, « prunelle de ses yeux autant qu’une épine dans son cœur », ce roman est celui de la fidélité absolue à une vocation maternelle hors norme. Parce qu’elle est anglaise, dotée d’un esprit vif et sec tout autant qu’ironique et plein d’humour, Margaret Drabble traite du handicap en laissant de côté le politiquement correct. La narratrice Eléanore, meilleure amie et soutien de cette mère courage, interpelle le lecteur et le prévient tout de suite : « inutile pour vous de trop plaindre Jess ». Sur près de 400 pages, on va suivre sans vouloir interrompre notre lecture, cette vie haute en couleurs et en douleurs, tout en abordant frontalement les questions les plus inquiétantes et parfois les moins avouables sur le handicap. La plus cruelle étant la crainte des parents que leur enfant ne leur survive de peur qu’il n’ait plus de garantie de sécurité.

Rester mordant tout autant que respectueux sur ce sujet si sensible des enfants « jamais grands » est la grande prouesse de ce livre qui à aucun moment ne bascule dans les formules toutes faites de la psychologie populaire à deux sous. Ce texte, très référencé, offre une compréhension plus fine du parcours de ceux qui vivent à la source bien mystérieuse du handicap, où l’on oscille perpétuellement entre joie et désespoir sans possibilité de nouveau départ. Un très beau roman de haute tenue littéraire et humainement nécessaire.

partagez cette critique
partage par email