Vilaines filles
Megan Abbott

Le Livre de Poche
octobre 2013
384 p.  7,30 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Bienvenue au pays des pom-pom girls !

Livre après livre, Megan Abbott affine sa partition de romancière inclassable. Cataloguée au rayon noir parce qu’une mort est au centre de chacune de ses histoires, la quadra new-yorkaise sait certes ménager des rebondissements et entretenir des flous, égarer le lecteur pour mieux le surprendre, comme les meilleurs auteurs de polars. Mais chez elle, les ressorts criminels ne sont jamais qu’un habillage.

Au coeur de « Vilaines filles », son dernier roman – sorti chez Lattès et non dans la collection policière du Masque – la mort qui survient n’est qu’un point de basculement du récit. Elle frappe le plus souvent un personnage masculin, déséquilibrant des jeux de pouvoir et de séduction déclinés au féminin. L’auteur s’en défend mais, avec elle, les hommes n’ont pas le beau rôle. Salauds ou victimes, ils n’ont droit qu’au statut d’accessoire, laissant les femmes disposer de leur destin.

Ici, Megan Abbott pousse les feux au maximum en choisissant pour cadre une troupe de « cheerleaders », ces pom-pom girls américaines qui assurent les intermèdes lors des pauses au football ou au basket. Elles ont seize ou dix sept ans, un horizon borné aux séances d’entraînement et des hormones en ébullition qui font dériver leurs amitiés, relèguant la chasse aux garçons au rang de pulsion vite éteinte.

L’arrivée d’une nouvelle « coach » vient remettre en question les liens et les hiérarchies au sein du vestiaire. Belle, sûre d’elle, dure au mal, elle met la bande de filles à ses pieds. La narratrice Addy gagne sa confiance et se détache de Beth, sa meilleure amie depuis l’enfance, caractère dominant de la troupe. Fascinée et flattée, Addy entre dans la vie familiale de Colette, qui la rend bientôt complice de ses écarts de conduite. L’adulte et les deux jeunes filles se manipulent, se mentent, s’espionnent. A l’enjeu sportif – être la star du show le jour du match – se greffe un enjeu sentimental : chacune avec ses raisons, Beth et la coach se disputent l’exclusivité d’Addy.

Megan Abbott met au jour la dureté des rapports en épurant davantage encore son écriture. Ni descriptions, ni digressions, juste des situations et des dialogues qui tissent une atmosphère à couper au couteau. L’intrigue est aussi ambigüe que le style est dépouillé. Entre la violence rentrée de ces furies manucurées et l’incandescence de leurs sentiments, le lecteur en ressort à la fois sonné et troublé.

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