Ce lien entre nous
David Joy

traduit de l'anglais par Fabrice Pointeau
Sonatine
mai 2020
304 p.  21 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Un drame aux accents éternels

David Joy a vécu la moitié de sa vie dans le comté de Jackson, en Caroline du nord. Une région de moyenne montagne couverte de forêts, coincée entre la riche côte est et le sud profond déshérité. Dans cette partie de la chaîne des Appalaches pauvre en ressources, on n’échappe pas au poids du lieu où l’on naît. Ce romancier de 36 ans l’expliquait au festival America en 2016, en présentant son premier livre, « Là où les lumières se perdent » : ici, le fils de maçon devient maçon, le fils de criminel est vite complice. Et comme le plus proche poste de police est parfois à deux heures de route, chacun prend facilement l’habitude de dicter sa propre loi. Dans « Ce lien entre nous », son troisième roman, tout part de là. De cet enracinement inscrit dans le sang, de cet enfermement en pleine nature. Deux chapitres suffisent à cet écrivain disciple du grand Ron Rash (« Un pied au paradis », « Serena », « Le monde à l’endroit »), cousin du trop rare Donald Ray Pollock (« Le diable tout le temps », « Une mort qui en vaut la peine »), pour définir les acteurs et le cadre d’un drame aux accents éternels. Un brave type qui braconne et qui, par erreur, en tue un autre en train de piller un champ. Le frère du mort, force de la nature et terreur de la région, qui part à sa recherche. Récit d’un choc annoncé. De cette histoire de vengeance vieille comme le monde, David Joy tire un ruissellement de mots minutieusement polis, traversé d’éclairs mystiques, de remontées de haine et de bouffées d’amour. Dans cet univers borné par la cime des arbres et plombé par des générations de souffrance, il suit une ligne de crête incertaine, fragile, la lumière d’un côté et les ténèbres de l’autre. Il met en scène ses personnages avec une puissance visuelle rare, très cinématographique, fait vibrer chaque pensée, chaque rencontre. Jusqu’à ce retournement final bouleversant, quasi onirique, qui laisse le lecteur avec des étoiles dans les yeux. Porté par tant de noblesse et d’ambition, le polar rural nous offre ce qu’il a de meilleur. Et David Joy, jeune auteur déjà immense, vient amarrer plus solidement encore la littérature américaine contemporaine à cette séduisante « école des Appalaches ».

La parution de ce roman est repoussée au 20 mai

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