Coup de vent
Mark Haskell Smith

traduit de l'anglais par Julien Guérif
Gallmeister
septembre 2019
246 p.  22 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Voyage agité en perspective !

Le polar fait toujours bon ménage avec l’humour, quitte à teinter les atmosphères noires d’un rire un peu jaune. Le défunt Donald Westlake a longtemps porté très haut ce registre avec les aventures de John Dortmunder. D’autres auteurs, depuis, ont pris le relais et Mark Haskell Smith est un des plus originaux et corrosifs. On avait adoré, il y a trois ans, « Ceci n’est pas une histoire d’amour », où un héros de télé-réalité faiblement doté en neurones devient un auteur à succès grâce à son autobiographie écrite par un autre. Jusqu’à ce qu’une blogueuse hargneuse entreprenne de les démasquer. L’idée de base de « Coup de vent » est du même acabit : agiter une même carotte sous le nez de personnages ayant de bonnes raisons de se détester.

Cette fois, ce n’est plus le pompon de la célébrité qu’il faut décrocher, mais celui de la richesse. Un joli petit magot qu’un trentenaire cadre à Wall Street a fait s’évanouir dans une cascade de comptes-écrans ouverts dans des paradis fiscaux. Avant de disparaître à son tour sur un voilier pour aller récupérer cette promesse d’une dolce vita éternelle. La motivation de l’indélicat golden boy donne le ton à ce suspense aux couleurs des Caraïbes : ayant volé un système qui érige l’évasion fiscale en mode de vie, il n’éprouve aucun remord.

Ce cynique sympathique est bientôt traqué par d’autres qui le sont moins, lancés à ses trousses par son ex-employeur ou alléchés par l’odeur de l’argent. On apprend d’emblée qu’un des poursuivants va se retrouver vers la fin de l’histoire à bord du voilier en partie détruit, bientôt secouru par une navigatrice ayant épuisé ses réserves de compassion. Entre le début et cette fin, les pointillés suivent des routes inattendues, agitées, parfois dangereuses. On n’a alors qu’une envie : cingler toutes voiles dehors jusqu’au port et savoir ce qu’il advient du jeune loup et du magot. Jusqu’à la réplique finale, on s’accroche au bastingage mais on n’est pas déçu du voyage…

partagez cette critique
partage par email
 Les internautes l'ont lu

« Les gens riches sont juste pas très sympas. »

« Bryan ignorait pourquoi il ne s’était jamais senti à l’aise avec les privilèges de la richesse. Peut-être était-ce dû au flot continu de moqueries que déblatérait son père au sujet de la corruption de Wall Street et des gros richards avides qui détruisaient le monde ? Être riche ne posait littéralement aucun problème. Pas de vrais problèmes en tout cas. Mais une parole de son père lui avait toujours semblé juste : « Les gens riches sont juste pas très sympas. » »
Le jeune Bryan, star de la finance new-yorkaise, vient de piquer méchamment dans la caisse. Pas le coup du siècle, mais de quoi vivre large et longtemps. Sa boite ne désire surtout pas avertir la police et lance un enquêteur interne à ses trousses, accompagné de la supérieure de Bryan. On n’est pas chez les malfrats ici, ça carbure du chapeau et tout se passe dans les entrailles des jeux de virements informatisés. Mais enfin, il y a toujours le facteur humain, n’est-ce pas, il faut bien des intermédiaires à un moment pour palper le pognon. Et forcément, c’est là que ça se gâte… Bienvenue dans l’univers de Mark Haskell Smith, qui entend bien honorer sa marque de fabrique : une intrigue nerveuse et colorée, un soupçon de transgression, quelques scènes de sexe, et des personnages à la Laurent Chalumeau dotés d’une morale très élastique mais néanmoins touchants, à défaut d’être sympathiques. Je ne sais pas si c’est parce que je vieillis (hélas) mais l’ensemble m’a semblé manquer un tout petit peu de conviction, être presque trop sage par moment. Certains passages, heureusement, sont là pour épicer le tout avec une mention spéciale au très joli sens de l’absurde. Une très bonne lecture détente.

partagez cette critique
partage par email