Cruel est le ciel
Tetsuya Honda

traduit du japonais par Dominique Sylvain et Alice Hureau
Atelier Akatomb
février 2020
352 p.  18 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Meurtres à la japonaise

On a des cadavres, du sang, des gangsters qui la ramènent et des flics qui fouinent… A part cela, dans « Cruel est le ciel », rien ne se passe comme dans un polar européen ou américain. C’est ce qui fait le charme de ce roman sorti au Japon en 2007, deuxième volet d’une série de huit dont le premier opus (« Rouge est la nuit ») a inspiré là-bas une série et un film. Première surprise, pour un pays réputé sûr, ce ne sont pas les morts violentes qui manquent. La première victime est piégée par une escroquerie monstrueuse, que pratiquent des entreprises de construction tenues par la mafia locale (les fameux « yakuza »). Cet ouvrier surendetté est poussé au suicide après avoir contracté une assurance-vie dont le fruit, lui a-t-on promis, sortira sa famille du besoin… Au deuxième mort, le dépaysement est à son comble. Cette fois, le corps a disparu, il n’en reste qu’une main, sectionnée à la scie circulaire. Ce crime atroce mobilise une unité spéciale d’une quarantaine d’enquêteurs, répartis en binômes rivaux. Une armée où l’improvisation est mal vue mais qui, nouvelle surprise, contredit les clichés sur la déférence à la japonaise : les flics de Tokyo se tirent dans les pattes, s’invectivent en pleine réunion, s’insultent… comme ailleurs. Leur compétition féroce est aiguisée par l’opposition naturelle entre méthodiques et intuitifs, routiniers et ambitieux, cow-boys solitaires et bons équipiers. Dans ce panier de crabes surnage l’héroïne de la saga, Reiko Himekawa, une lieutenante même pas trentenaire, qui doit composer avec les codes, soigner son apparence, se montrer charmante. Pour son salut, elle pense vite, toujours à rebours du troupeau, et elle en veut. A chaque claque reçue, elle en rend deux et libère son insolence naturelle en écoutant sa petite voix intérieure. Grâce à cette lointaine cousine asiatique de l’inspectrice Renée Ballard, créée par Michael Connelly, on n’ignore rien de la rigidité des procédures locales, parfois jusqu’à l’absurde. Grâce à elle, on mesure aussi à quel point l’éducation et la pression sociale balisent le quotidien des Japonais. C’est sur ce plan, psychologique, que rien dans ce livre ne se passe comme on s’y attend.

 

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