Harry Bosch - Nuit sombre et sacrée
Michael Connelly

traduit de l'anglais par Robert Pépin
Calmann-levy
mars 2020
455 p.  21,90 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Sauvé par une femme!

Michael Connelly a des routines de travail bien établies, comme ce souci d’aller sur le terrain avant chaque nouveau roman, de rencontrer des policiers ayant travaillé sur le genre d’histoire qu’il veut raconter, d’aller vérifier la topographie du lieu d’une fusillade ou d’une arrestation fictives. Il n’empêche que cet homme d’habitudes sait comment éviter l’ennui, le sien et celui de ses lecteurs. Sa recette : créer plusieurs héros récurrents, les laisser vivre leur existence le temps d’un ou deux livres. Puis les faire se croiser dans une aventure commune. C’est ainsi qu’il a régénéré une première fois la saga Harry Bosch, après avoir lancé dans le bain l’avocat Mickey Haller (« La défense Lincoln », 2006), puis les avoir réunis avec un résultat très convainquant à trois reprises (« Le verdict du plomb », « Volte-face », « Les Dieux du verdict »). Mais Bosch continue de vieillir, éjecté du LAPD, à l’étroit dans un poste de police de la banlieue nord de Los Angeles. Et Haller est par nature cantonné aux affaires de prétoire.  Connelly a donc imaginé le personnage de l’inspectrice Renée Ballard, qui lui ouvre grand l’horizon. Née d’une mère hawaïenne, elle est folle de mer, de surf et de paddle. Idéal pour oxygéner une enquête. Ballotée de service en service, elle est plongée dans le tout-venant du crime, confrontée aux épaves de la rue comme aux célébrités. Parfait pour rythmer un roman. Un seul a suffi à installer cette dure à cuire solitaire, éveillée au féminisme par la sale mentalité de certains collègues et au racisme par l’accueil réservé à son teint de métisse (« En attendant le jour », 2019). Un seul roman en solo, et la voici déjà confrontée à la légende Bosch. Les deux animaux se sont à peine flairés qu’ils s’accordent pour collaborer sur un « cold case » dont personne ne veut, l’assassinat d’une prostituée mineure à Hollywood. A côté, chacun conserve ses propres dossiers ou missions. On passe des gangs hispaniques de la vallée de San Fernando aux junkies du centre-ville, Michael Connelly déroule. Son jeu de miroir entre Bosch et Ballard est suffisamment fin pour ne pas opposer l’expérience du sexagénaire à l’impulsivité de la trentenaire. On n’est pas dans le schématisme commode. L’ancien a aussi une tête de pioche qui lui fait commettre des gaffes et des erreurs. Sa jeune partenaire en a assez bavé pour savoir quand il faut marcher sur des œufs. Ils ne se complètent pas toujours où on l’attend et leur entente reste perfectible. La vraie complicité est pour un prochain livre. Et comme il n’est pas exclu que Mickey Haller se joigne un jour au duo, la saga Bosch n’est pas près de s’essouffler…

 

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