La Rage
Zygmunt MILOSZEWSKI

Traduit de l'anglais par Kamil BARBARSKI
Pocket
septembre 2016
576 p.  8,40 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Mystère sous terre

Venu à Paris, début 2015, présenter « Un fond de vérité », deuxième livre de sa trilogie, Zygmund Miloszewski avait prévenu. Le volet suivant, qu’il avait alors déjà bouclé, serait son dernier roman policier. « J’ai fait en sorte qu’il n’y ait pas de suite, sans pour autant tuer mon personnage principal, parce que c’est trop facile. » Et de fait, dès le prologue de « La Rage », on comprend ce qu’il voulait dire : le flamboyant procureur Teodore Szacki – prononcer Chatski – commet un meurtre… Comme chez Donato Carrisi (« La fille dans le brouillard » ), le héros fond un fusible d’entrée. Avec la construction du récit en flashback, cela ferait presque une tendance. Sinon que le parallèle ne se prolonge pas au-delà des vingt premières pages. Le policier italien et le magistrat polonais n’ont ni le même mobile, ni la même folie. Extrême, le procureur l’est dans son intransigeance et son indépendance. Il défend ses principes jusqu’au bout, et seul, ou presque. C’est ce qui le rend attachant mais le mène aussi à sa perte.

Le jeune romancier polonais, gros succès des ventes dans son pays, voulait faire place nette pour se mettre à autre chose, disait-il, profiter de cet état de grâce que lui ont offert ses polars pour défricher d’autres territoires. Alors il y est allé de bon coeur. Le titre français du roman, « La Rage », vaut autant pour la manière dont son héros se saborde que pour les excès du complot imaginé par l’auteur. D’où sort ce squelette composite mis au jour lors de travaux de voirie ? Comment est-il parvenu dans cet ancien abri anti-aérien creusé sous un hôpital ? Et pourquoi les os sont-ils si propres ? Pour Zygmund Miloszewski, un bon mystère commence sous terre. Sans doute parce qu’il aime creuser et fouiller : les complexes de son peuple, les cicatrices laissées par l’histoire, les rancoeurs entre communautés… Une ambition qu’il a puisée chez Henning Mankell, sa référence suprême. Lui aussi entreprend, au travers d’une histoire criminelle, de sonder l’âme de ses compatriotes, de déballer leurs complexes, de régler ses comptes avec ces paysages, ces villes et ce climat qu’il endure sans vraiment les aimer. Son humour féroce lui sert de balancier, le préserve de l’aigreur. Il nous fait aimer ce Teodore jamais à sa place là où il se trouve, mais aussi ces personnages secondaires dignes du cinéma des frères Coen, tel l’inébranlable Jan Pawel Bierut, commissaire de police revenu de tout et unique allié du procureur. Ces qualités-là sont sa marque de fabrique et elles le resteront, polar ou pas.

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 Les internautes l'ont lu

Style à part pour ce polar dépaysant où Zygmunt Miloszewski nous plonge avec sa Rage dans une Pologne sombre et triste.

Le procureur Téodore Szacki désespère de pouvoir traiter une vraie affaire. Muté depuis deux ans à Olsztyn, dans la région de Varmi, ses dossiers sont pliés en moins de temps qu’il n’en faut pour les ouvrir.
Quand des ossements humains sont retrouvés lors de travaux de voirie, c’est à cette pointure du Barreau que l’on confie le dossier. Au départ, Szacki pense aux restes d’un Allemand, vestige de l’Histoire du pays. Mais les analyses vont “parler” et raconter une toute autre fin. Szacki s’accroche à cette affaire, négligeant une femme apeurée par son mari, venue lui demander de l’aide. Alors que son adjoint est sur le point de déposer une plainte contre lui pour manquement à la déontologie de leur profession, Szacki va découvrir cette même femme baignant dans son propre sang, son jeune fils jouant à ses côtés. Szacki est alors loin de se douter que toutes ces affaires vont prendre une tournure très personnelle…

Pour mon premier polar polonais, on peut dire que c’est une surprise. A tous points de vue.
L’auteur plante immédiatement le décor. C’est sombre, froid, lugubre. Et moche. C’est lui qui le dit ! L’auteur introduit ici et là quelques éléments de l’Histoire de la Pologne, pour mieux comprendre et nous mettre dans l’ambiance.
Ensuite les personnages ne sont franchement pas attachants. Szacki, toujours tiré à quatre épingles, est un homme direct, pète-sec, impatient, qui vit avec deux “boudeuses”. C’est mal parti hein ? Eh bien non, on arrive aisément à passer outre. Cela donne même plus de force à l’atmosphère que l’auteur réussit à merveille à instaurer.

“La Rage” est un polar qui change. A commencer par son héros, un procureur qui mène l’enquête. Le mode opératoire plutôt inhabituel vous donnera l’occasion d’une petite révision en biologie. Puis le lieu. Et l’auteur n’y va pas de main morte, il est loin d’être tendre avec son pays.
Les chapitres quant à eux, démarrent tous avec les nouvelles du jour.

Ne vous attendez pas à un polar rythmé. Ca monte petit à petit en puissance. C’est très détaillé, rendant la lecture très visuelle. L’auteur maintient son lecteur avec des coups de théâtre tombant à pic, parfaitement maîtrisés. Quelques scènes peu ragoûtantes, et des pointes d’humour (noir) apportent un certain équilibre au milieu de toute cette noirceur.

Tout comme de nombreux de livres nordiques, quand on s’attaque, ici, à un polar venu de l’Est, on pourrait redouter des noms imprononçables ou impossible à retenir. Dans La Rage, il n’en est rien pour les personnages.

En bref, manipulation et vengeance au programme de ce polar dépaysant.

En espérant une suite, le rendez-vous est déjà pris pour découvrir un peu plus l’univers de cet auteur.

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Pologne !

Nous avons rencontré le procureur Teodore Szacki alors qu’il avait trente-cinq ans et officiait à Varsovie (« Les Impliqués »); nous l’avons retrouvé quatre ans plus tard, divorcé et muté à Sandomierz (« Un fond de vérité »); dans le tome qui clôt la trilogie (et qui n’est plus édité chez Mirobole mais chez Fleuve Noir ?!) quatre années de plus se sont écoulées et notre procureur est installé à Olsztyn (la ville aux onze lacs…), englué dans une chape d’ennui. Il a l’impression de n’avoir affaire qu’à des cas d’une grande banalité, l’ambiance à la maison entre sa fille et sa nouvelle amoureuse est affreuse (elles s’entendent bien, en fait, mais quand il est là tout est problématique), il n’en peut plus des embouteillages et de la laideur polonaise, le collègue qu’il supervise est d’une rigidité effrayante et c’est l’hiver. Mais soudain la découverte d’un squelette va déboucher sur un mystère et l’ennui est envolé : on va d’horreur en monstruosité. Le thème central du roman est la violence familiale (conjugale et domestique), aussi bien physique que verbale ou situationnelle, et la manière dont elle est perçue et gérée à la fois par ceux qui en sont victimes ou coupables et par ceux qui savent mais ne font rien (et cela vaut aussi, on le verra, pour ceux dont c’est pourtant le métier). L’intrigue est super prenante d’autant plus qu’elle débute par une scène grandement déconcertante : notre procureur en train de tuer quelqu’un. Pourquoi, comment, on le prend à rebours et on y est à fond (on frémit vraiment plusieurs fois). Dommage alors pour l’épilogue qui n’est pas du tout satisfaisant, à la fois tortueux et expéditif, et qui laisse beaucoup de questions sans réponses. Cependant, tout comme dans les deux premiers tomes, le survol de la société polonaise contemporaine est passionnant et on espère que l’auteur continuera à nous y faire voyager, même sans son procureur fétiche !

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Bien

Le procureur Teodore Szacko est appelé lors de la découverte d’un squelette dans un ancien bunker. Le professeur Ludwik Frankenstein (oui oui c’est bien son nom !) lui apprend que le squelette n’a pas 20 ou 30 ans comme tout le monde le pensait initialement (corps de la seconde guerre mondiale ?) mais qu’il n’a pas plus que quelques jours. Le mort est Piotr Najman, patron d’une agence de voyage qui en apparence n’a absolument rien à se reprocher. Commence alors pour le procureur une longue enquête ou il devra remettre en question sa notion de justice, du bien et du mal. L’auteur nous décrit une Pologne après guerre avec des immeubles laids et mal pensé, On a l’impression qu’il n’y fait jamais beau, que la circulation est un chaos, qu’il ne s’y passe rien d’intéressant…rien pour donner envie d’y aller. L’histoire est très intéressante et la fin très surprenante, juste dommage que le récit soit si descriptif, littéraire, ça n’apporte rien de plus à l’histoire.

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