L'amitié est un cadeau à se faire
William Boyle

traduit de l'anglais par Simon Baril
Gallmeister
americana
juin 2020
384 p.  23,80 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

« Thelma et Louise » revu par Scorsese

Brooklyn n’a pas de secrets pour William Boyle. C’est dans cet arrondissement de New York qu’il est né, qu’il a passé sa jeunesse. Il y a tenu une boutique de disques de rock, son premier boulot, sa première vie. Puis il en est parti pour s’établir dans le Mississippi. Et écrire. Quitter Brooklyn, il en a fait la toile de fond de « L’amitié est un cadeau à se faire », son quatrième roman. Il ne s’y confesse pas, n’exorcise rien, fait juste partager ses sensations aux quatre personnages principaux du livre. On ne coupe pas les ponts si facilement avec un endroit qui vous a beaucoup donné. Ses quatre héroïnes ont pourtant les meilleures raisons de tout plaquer, de franchir une frontière, même si ce n’est que celle du Queens voisin. L’une, Rena, est veuve d’un mafieux de quartier, engluée dans ses souvenirs et dans une existence protégée du pire, comblée de petits riens. L’autre est sa voisine Wolfstein, sexagénaire elle aussi, revenue de tout, du porno qui l’a nourrie mais surtout des hommes, tous pathétiques à ses yeux. La troisième est la petite-fille de la première, Lucia, adolescente privée d’enfance, dégoûtée des beaux-pères de passage, bombe de rancœur sur minuterie. Un coup de cendrier et une balle perdue plus tard, les voilà qui filent dans une bagnole comme on n’en fait plus, toute en ailes et en chromes, un plein sac de dollars dans le coffre. Direction, la planque d’une autre retraitée du X, ancienne partenaire de Wolfstein et son amie à la vie à la mort. La peur les soude. Elles ne fuient pas seulement des tueurs, elles rejettent leur monde bas de plafond. Leur road trip est une mue. Se prendre en main, trouver qui l’on veut être. Thelma et Louise multiplié par deux, repensé par Martin Scorsese. Une atmosphère seventies dans un paysage urbain d’aujourd’hui. Rena, Wolfstein, Lucia et Mo se révèlent sous nos yeux. Leurs réparties fusent comme sorties du canon d’un calibre 38. Leur euphorie est contagieuse. On ne sait pas où elles vont, on veut seulement qu’elles y arrivent, qu’elles n’aient plus à regarder par-dessus leur épaule. Leur cavale jonchée de cadavres est aussi haletante que furieusement drôle. William Boyle a tout gagné en quittant Brooklyn.

 

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