Les assassins de la 5e B
Kanae Minato

traduit du japonais par Patrick Honore
Seuil

250 p.  21,50 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

L’école de la vengeance

Kanae Minato est l’auteur de « Shokuzai », l’histoire de quatre jeunes femmes hantées par le meurtre d’une camarade de classe, récemment portée à l’écran par Kiyoshi Kurosawa. Si la culpabilité en faisait la substance, le fil rouge des « Assassins de la 5e B » est la vengeance.

Yuko Moriguchi est professeur de sciences physiques dans un collège de province. A la fin de l’année scolaire, elle adresse un discours à ses élèves de 5e, et leur annonce sa démission. Un mois auparavant, sa fille de quatre ans, Manami, a été retrouvée morte dans la piscine de l’établissement, ce que la police a qualifié d’accident. Mais après que l’affaire a été classée, le professeur a mené sa propre enquête et a conclu que son enfant n’avait pas été victime d’une noyade accidentelle, mais qu’elle avait été froidement assassinée par deux élèves assis en face d’elle, au milieu de la classe pétrifiée qui l’écoute prononcer tranquillement son réquisitoire. Yuko Moriguchi ne compte pas faire rouvrir l’enquête, non, ce qu’elle veut, c’est condamner les coupables à se souvenir à jamais de leur crime par un châtiment qu’elle a élaboré et qu’elle leur révèle avant de les laisser partir en vacances.

Voilà pour l’entrée. Car si l’on connaît l’identité des criminels dès les premières pages, leurs motivations et les conséquences de la sortie du professeur justicier sont à venir. Kanae Minato fabrique un kaléidoscope choral, où les acteurs du drame eux-mêmes s’expriment, en envoyant une lettre, en tenant son journal intime, ou en haranguant ses semblables. Cette écriture protéiforme permet de sonder les replis psychologiques des victimes devenues bourreaux par nécessité personnelle. C’est machiavélique, diabolique, glacial : prenez une grande inspiration, car on lit Kanae Minato en apnée, fasciné par la minutie avec laquelle elle démonte les rouages de la machine à représailles, happé par le suspense qui ne prend fin qu’à la toute dernière phrase et nous laisse pantelants, essayant de retrouver nos certitudes morales éparpillées.

Kanae Minato réussit un coup de maître, entremêlant à la trame narrative les phénomènes sociétaux qui transforment le Japon contemporain. Elle s’introduit dans les familles des classes moyennes où sourd la violence, fruit de l’incapacité à concilier tradition et modernité, et pose un regard sans concession sur les tenants de la reconnaissance à tout prix, qui poussent à jouer des coudes et héroïsent les individualismes avec cynisme.

 

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