Les disparus de Fuerteventura
Thomas Rydahl

traduit de l'anglais par Catherine Renaud
belfond
février 2019
538 p.  22 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Jeu de cache-cache

Thomas Rydahl a beau être danois, il n’est pas très scandinave. Du moins pas au sens où on l’entend d’habitude en matière de roman policier. Ou alors un Scandinave qui aurait trop pris le soleil. Peut-être même jusqu’à l’insolation. Son premier livre, « Dans l’île », nous a révélé il y a deux ans cet auteur impressionniste, tombé en amour un jour pour l’atmosphère des îles Canaries, et capable d’échappées délirantes. Le revoici aux basques du même anti-héros, un sexagénaire qui a plaqué femmes et enfants pour refaire sa vie sur le même bout de terre venté, à Fuerteventura.

Mais Erhard Joergensen vit-il vraiment, dans son sous-monde de sans-abris, de toxicomanes, de parieurs fauchés et de petits voleurs ? Seul un lien ténu le rattache encore au monde du dessus, nourri par le tourisme, comme quand il fait le taxi ou bien joue au détective. Justement, une rare occasion se présente : il pourrait payer un vrai loyer s’il retrouvait ce Malien disparu, un clandestin travaillant dans un casino. Alors il cherche, ou plutôt, il remue, il agite, à sa manière désordonnée, parfois pathétique.

Dans l’autre monde, celui des hôtels climatisés, Lene cherche aussi. DJ branchouille en disgrâce à Copenhague, bousillée par la chirurgie et les drogues, elle a pactisé avec le diable de la télé-réalité : on la filme sur les traces de son père. Si elle le retrouve, elle se refait une santé, un équilibre, des finances. Mais veut-il être retrouvé, ce père enfui qui n’est autre qu’Erhard ?

Balançant de l’un à l’autre, un chapitre père, un chapitre fille, Thomas Rydahl les triture jusqu’au nerf. Il fait claquer les dialogues et les images, regarde avec insistance dans les marges. Comme Lene cherchant Erhard cherchant Abdi, cette île concentre des forces qui s’attirent et se fuient, Nord et Sud, ordre et chaos, crime et respectabilité, richesse et dénuement. Des forces assez puissantes pour faire sortir le père et sa fille de leur gangue, admettre ce qui compte vraiment et se battre. Evidemment, avec cet auteur qui fuit les sentiers balisés du polar à la papa, rien ne se passe comme on s’y attend.

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