Trame de sang
William Bayer

traduit de l'anglais par Pierre Bondil
Rivages

412 p.  22 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Art-psychanalyse-sexe, le trio gagnant

« On n’est pas sérieux quand on a 17 ans », écrivait Arthur Rimbaud, dans une ode aux coups de coeur adolescents. Un siècle et demi plus tard, le romancier américain William Bayer nous montre que la fraîcheur de ce bel âge s’est lestée de gravité, soumise aux pressions de la réussite et de l’affirmation de soi. Avec « Trame de sang », son dix-septième livre, l’auteur s’écarte pour un temps des codes de la littérature noire ou policière pure, qui lui ont inspiré le magnifique « Rêve des chevaux brisés » (Rivages Noir, 2006), pour s’engager sur les chemins escarpés du roman initiatique. Il nous fait pénétrer dans un pensionnat d’élite de l’Est américain, un campus retiré où un millier de lycéens privilégiés s’affûtent avant leur envol universitaire. Cette bulle éducative libère les audaces intellectuelles mais bride les corps. Le couvre-feu est à 22 heures, les relations sexuelles prohibées. Ce phalanstère, où, entre deux cours magistraux, le précoce Joel conceptualise son travail de poterie et où sa complice Kate nourrit des complots de dortoir son théâtre de la cruauté, se révèle une vraie cocotte-minute. Capables d’éblouir les adultes ou de leur tenir tête, affichant des idéaux et des ambitions élevés, Joel et son groupe d’amis s’interrogent sans cesse sur leurs sentiments, leur sexualité, voire pour certains leur identité.

Une série de drames va accélérer leur maturation en vase clos, à commencer par la mort de la belle Zoé, artiste hypersensible à laquelle Joel vouait une admiration amoureuse non payée de retour. Troublé par son suicide, aidé de son colocataire Justin, futur journaliste d’investigation, il va en reconstituer les circonstances en recoupant divers témoignages. Soutenu par Kate, il va aussi chercher la clef du mystère dans la trame d’une fascinante tapisserie que Zoe lui avait offerte. Art, psychanalyse et sexe, l’inspiration de William Bayer a ses constantes. Sur ce triptyque ardu, il bâtit une histoire fluide et sensible, restituant ces moments d’équilibre fragiles où des jeunes se construisent. Leurs échanges sont pétillants d’intelligence, leurs sautes d’humeur plus vraies que nature. Plus touchant que sombre, « Trames de sang » est un livre qui fait du bien.

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