Dernière station avant l'autoroute
Hugues Pagan

Rivages
rivages noir
avril 2000
432 p.  8,50 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Toute la musique qu’on aime

Quand on lit une bio de Pagan, on découvre qu’il fut commissaire pendant une vingtaine d’années dont une petite moitié de nuit. Qu’il a sans doute souffert d’un choc traumatique puisque, après avoir dû identifier les victimes d’une catastrophe ferroviaire à Lyon en 88, il a fait une tentative de suicide et a quitté la police un an plus tard, pour se consacrer entièrement à l’écriture…
Cette expérience morbide de la catastrophe, il en a d’ailleurs fait dans son bouquin un saisissant morceau d’anthologie, mais si son livre est pour lui une thérapie, ça lui donne le loisir de nous faire entrer dans la peau d’un baltringue désespéré qu’il a mis en scène dans d’autres polars, je crois. Je vais bien sûr me dépêcher de me les procurer ! Pagan étale devant nous le quotidien d’un flic de la nuit se laissant aspirer par le néant, et croque au passage pas mal de figures de la faune urbaine nocturne : flics pourris de la hiérarchie, indics, malfrats en tous genre, petites mains en uniforme souvent éteintes mais parfois encore accrochées à leurs illusions, et pas mal de putes aussi bien sûr.
Dépêché sur le suicide d’une huile de la politique, son flic est soupçonné d’avoir subtilisé pour son compte une disquette compromettante que le suicidé aurait laissée à disposition. On croit le briser en le mutant de jour dans un commissariat de quartier, mais il n’y a plus grand-chose à briser chez lui et il laisse faire les choses, presque en roue-libre. Il s’est d’ailleurs laissé séduire par l’affriolante ex-femme du suicidé, indifférent aux mises en garde de sa hiérarchie. Leur histoire, il la voit d’abord comme un baroud d’honneur, sans y croire vraiment, parce qu’ « il faut bien que le corps exulte », comme dit l’autre. Ca ne l’empêchera pas de plonger encore plus bas. Au delà d’une certaine profondeur, il faut peut-être toucher le fond pour remonter d’une poussée ?..
Beaucoup d’alcool, beaucoup de noirceur, beaucoup de blues (des lignes superbes qui donnent envie d’écouter les grands classiques), un peu d’humour (noir lui aussi), beaucoup de style et beaucoup de rythme. Un sacré polar !

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