Les aigles endormis
Danu Danquigny

Gallimard
Série Noire
janvier 2020
224 p.  18 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Coup de colère

En dire autant en à peine plus de deux cents pages, c’est un vrai talent. Et Danü Danquigny, après s’être un peu cherché dans l’anticipation ou la BD, a eu bien raison de se mettre au roman noir. Avec ce premier livre, il nous ouvre les yeux sur la sinistre trajectoire d’un pays mal considéré : l’Albanie. Le narrateur est rentré au pays pour régler des comptes. Il est rongé par une rage ancienne, animé d’une violence aveugle. Son récit replonge sans cesse à différents âges de son existence de quinquagénaire, révélant petit à petit les causes de son mal. Ce temps de l’espoir où, adolescent ou jeune adulte, il rêve encore d’un avenir libéré de la tyrannie d’Enver Hoxha, cruel clone européen des dictateurs marxistes-léninistes d’Asie, le Chinois Mao Zedong et le Coréen Kim Il-sung. Ce temps de la désillusion où il comprend que le nouveau régime politique bricolé sur les cendres du précédent, supposé démocratique, reste tout aussi corrompu et inégalitaire. Ce temps des crapuleries où il se résigne à collaborer à toutes sortes de trafics, drogues, armes ou êtres humains, pour enfin financer cet exil vers la France qu’il a promis aux siens. Ce temps de la vengeance, enfin, où il vient retrouver un à un ses amis d’enfance d’autrefois – ses complices mafieux d’hier – pour leur faire expier on ne sait quelle horreur. L’auteur jette cette histoire sur le papier comme on pousse un coup de gueule, comme un coup de colère contre l’oubli et l’injustice. Il ne raconte pas seulement – avec force – une histoire de gangsters. Il réhabilite un peuple dont, à sa porte, il y a moins d’un demi-siècle, l’Europe ignorait la souffrance.

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