Terres brûlées
Eric Todenne

Viviane Hamy
Chemins nocturnes
mars 2020
311 p.  19 €
ebook avec DRM 12,99 €
 
 
 
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J’ai d’abord cru que j’allais avoir affaire à une histoire de cow-boys sur un vaste domaine agricole dans l’Iowa. Eh bien pas du tout… Comme quoi certaines couv’ sont trompeuses… Nous sommes à Nancy en novembre 2016 et le lieutenant Andreani a le moral en berne : d’abord parce qu’il rentre de quelques jours de vacances en Corse, qu’il va devoir retourner au taf, réentendre les gueulantes du commissaire Berthaud – sous pression depuis qu’il sait qu’une visite des bœufs-carottes, autrement dit de l’IGPN – est plus qu’imminente…
Évidemment, il pourrait aussi s’arranger avec son Sig Sauer et appuyer gentiment sur la détente en ayant pris soin au préalable de s’le coincer dans la bouche… Autre possibilité…
Pour faire diversion et penser à autre chose, il peut fort heureusement s’échapper de l’épais marasme quotidien en allant manger un bout « Au Grand Sérieux » (où le patron se prend pour le Gaffiot et parle le plus velouté des latins de cuisine), s’offrir de jolis millésimes chez Rodrigo l’épicier espagnol, s’approvisionner en délicieux desserts chez Armorino et surtout, écouter du bon jazz, de la soul ou du rhythm and blues en lançant sur la platine un p’tit Charles Bradley, à moins que vous ne préfériez Curtis Mayfield ou Gerry Mulligan (le titre « Terres brûlées » serait d’ailleurs repris de « Burned Lands » de Charlie Mingus). Il peut aussi compter sur sa fille Lisa pour le secouer un peu et tenter de le recaser (avec la psy du service, Francesca, tiens, en voilà une riche idée !)
Quant à son poto, le lieutenant Couturier, faudra pas trop compter sur lui pour rebooster le moral des troupes : il est dans de sales draps depuis qu’on lui impose de passer une visite médicale à laquelle il a toujours refusé de se soumettre, pour attester de son éventuelle forme physique (pas vraiment un adepte du lifestyle, le gars Couturier…)
Bref, en attendant, un dossier traîne et il va falloir régler ça au plus vite : un incendie domestique dans un pavillon à Laxou, rue des Chartreux… Bon, oui, il y a un cadavre : celui du proprio, un certain Rémi Fournier, un gars poli, discret dont personne ne sait rien. Pas d’effraction, pas de vol : bref, l’affaire n’intéresse personne et le dossier commence déjà à prendre gentiment la poussière. Probablement un accident, conclut l’expert. Ah… C’est le « probablement » de trop, celui qui retient l’attention d’Andreani… Ben oui, quelques zones d’ombre, oh… trois fois rien : l’homme n’a pas cherché à fuir… Et ?… pas grand-chose : juste un expert qui trouve tout ça un peu troublant mais qui ne saurait dire pourquoi… Chouette, on est bien avancé avec ça.
Basta… On classe.
Sauf que… c’est quand même étrange de trouver dans l’inventaire des biens de ce Rémi Fournier, grenouille de bénitier et généreux donateur au denier du culte, une… mezouzah ! Au cas où vous ne sauriez pas ce que c’est, il s’agit d’un étui contenant un parchemin sacré fixé au montant des portes des maisons juives.
Quel rapport ce gars pouvait-il bien avoir avec tout ça ? Et s’il fallait un peu fouiller dans le passé, mettre le nez dans des histoires aux odeurs nauséabondes d’antisémitisme, de haine, de délation, de vengeance remontant aux deux grandes guerres et même peut-être à celle de 1870 sur des terres de Moselle que l’Histoire n’a cessé de balader de force entre la France et l’Allemagne ? Ça laisse forcément des traces ces trucs-là, des pas belles et qu’on aimerait mieux oublier… Mais certains ont beau se frapper la tête contre les murs, ils ne parviennent pas à passer à autre chose… Eh oui, certains guss n’ont pas vraiment la mémoire courte… préfèrent un plat qui se mange froid, très froid même…
Évidemment, pour le duo Andreani/Couturier continuer à bosser sur cette enquête comporte des risques : l’IGPN ne va pas apprécier qu’on traîne sur un dossier vide alors que des affaires très urgentes sont à traiter …
Ils risquent gros les gars, très gros même. Mais c’est sans compter sur leur côté cabochard, rebelle et indiscipliné… Des gars bien, donc. CQFD.
Un très bon polar du duo Eric Damien/Teresa Todenhoefer : bien documenté, solidement construit, au suspense efficace et dont l’atmosphère teintée de fantaisie, d’humour et de poésie achève de nous régaler…
Un bon cru à déboucher au plus vite…

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