critique de "Un homme nu dans une malle", dernier livre de Louis Roubaud - onlalu
   
 
 
 
 

Un homme nu dans une malle
Louis Roubaud

L'Eveilleur
février 2019
191 p.  16 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu

Redoutablement efficace

De Louis Roubaud, journaliste, et pas des moindres, de l’entre deux guerres, nous avions aimé le livre qu’il avait consacré aux hôpitaux psychiatriques, Démons et déments que Le Festin avait republié l’année dernière. Cette fois-ci, nous le retrouvons comme auteur de roman policier dans une intrigue très classique dans son énigme mais sacrément efficace dans son traitement : un homme nu dans une malle cadenassée. A première vue, un homme sans histoire, qui mène l’existence tranquille d’un rentier. Avec ses habitudes, sa maîtresse, son ami banquier, son serviteur asiatique.
L’enquête démarre rapidement et la police croit assez vite avoir trouvé le coupable ; mais, et cela se reproduira tout au long du livre, le ou la prétendue coupable qui avait, certes de bonnes raisons de tuer la victime, laquelle se révèle plutôt antipathique au fur et à mesure de la progression de la narration, est innocentée par la découverte d’un autre suspect potentiel. Qui a tué ? La question restera sans réponse jusqu’à l’extrême fin du livre et il n’est évidemment pas question de dévoiler l’astuce qui permet de résoudre l’énigme. Même si, pour le lecteur avisé, qui peut s’appuyer sur certains indices et le fait que toutes les hypothèses qui auraient pu déboucher sur la désignation d’un coupable semblent avoir échoué de trouver un coupable, il ne reste plus qu’une seule solution, elle est tellement inattendue que le coup de théâtre final le surprend quand même.
L’intérêt du livre tient à la rapidité de son rythme qui ne laisse aucun répit au lecteur. La psychologie des personnages n’est pas d’une profondeur remarquable – mais ce n’est pas ce qu’on demande à ce type de roman. On n’y cherche pas une approche en profondeur du contexte ni des motivations des uns et des autres – en dehors d’une habileté à dessiner un cadre et les relations entre les différents protagonistes. Ce qui importe c’est le jeu même des hypothèses et leur démolition systématique – autant les enquêteurs sont habiles à trouver des suspects qu’ils innocentent ou que les circonstances innocentent autant ils semblent balourds pour trouver le coupable.
On sent la patte du journaliste dans la description qu’il fait des milieux interlopes, des milieux d’affaires liés à la colonisation, des faiblesses des femmes sans avenir et des vices d’une certaine bourgeoisie. Les policiers font leur boulot sans véritable génie et le dénouement de l’intrigue vient de cette sorte d’intuition qui surgit au moment où l’on commence à en avoir véritablement besoin.
Une des originalités du livre vient de son utilisation en feuilleton du Petit Parisien, chaque épisode étant annoncé par une pub, avec un sens très sûr du marketing. Roubaud peut ainsi jouer sur plusieurs tableaux – il est à la fois journaliste (et c’est à ce titre qu’il se met en scène dans son livre) et écrivain. La question de savoir si le réalisme de l’enquête l’emporte sur la création proprement littéraire ou si c’est l’inverse donne au livre une partie de son étrangeté.

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