Cette chose étrange en moi
Orhan Pamuk

traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy
Gallimard
du monde entier
aout 2017
688 p.  25 €
ebook avec DRM 17,99 €
 
 
 
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Un Nobel à Istanbul

Dans ce roman ambitieux, Orhan Pamuk raconte une histoire d’Istanbul sur cinquante ans, à travers la vie d’un modeste vendeur ambulant, et pose un regard critique et engagé sur la société de son pays, dans ce qui tient à la fois du conte oriental et du roman picaresque.

Un candide optimiste

Le livre relate « la vie, les aventures et les rêves » de Mevlut Karatas, originaire d’Anatolie, qui rejoint Istanbul en 1969 afin d’y poursuivre sa scolarité et d’aider son père à la vente de boza, boisson fermentée traditionnelle. La grande affaire de notre héros, c’est la passion amoureuse sur laquelle il bâtit sa vie, en dépit d’un quiproquo initial ; parallèlement, on le suit au fil de ses associations hasardeuses, de ses démêlés avec la corruption, dont il finit toujours par se tirer d’affaire. Défini comme un candide optimiste, Mevlut porte aussi en lui un fond mélancolique, cette fameuse « chose étrange » qui surgit parfois alors qu’il parcourt les rues avec sa perche ou sa carriole, et qu’il se réfugie le soir dans les vieux cimetières stambouliotes, où il se laisse aller à la nostalgie doublée d’une inquiétude existentielle.

Les métamorphoses d’une ville

L’histoire du vendeur ambulant s’accompagne des changements de la mégapole en perpétuel chantier, où l’asphalte et le béton remplacent la terre battue et le bois, et où la population croissante s’entasse dans des immeubles toujours plus hauts. Infatigable arpenteur des rues, témoin de l’évolution des mœurs comme du retour à l’ordre moral, Mevlut écoute, regarde, pénètre dans les espaces domestiques que la télévision envahit. Au fil du temps, les bruits de la vie moderne couvrent la voix du marchand dans les quartiers qui se ferment et s’embourgeoisent, mais quand tout s’accélère et que les politiques veulent effacer la diversité, le vendeur de boza devient un personnage pittoresque, garant d’une liberté individuelle qui ne plie sous aucun diktat. Ce roman polyphonique dans lequel le lecteur s’installe confortablement, fourmille de vie, de voix et d’événements qui font battre le cœur des hommes et des femmes. Passionnant !

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coup de coeur

Cette chose étrange en moi

Cette chose étrange, est le sentiment de perdition dans un pays , pourtant lieu de naissance et de l’auteur et de son héros à travers l’évolution d’une famille installée à Istanbul depuis un demi-siècle.
Dans les années 1950, Istanbul comptait 3 millions d’habitants, aujourd’hui, 13 millions .Des familles de paysans sont venues d’Anatolie pour travailler et avoir une vie décente, ils se sont installées de façon anarchique sue les collines bordant Istanbul, et c’est l’histoire de l’une d’elle qu’Ohran Pamuk (Prix Nobel de littérature) raconte dans cet énorme et très accessible roman.
Tout d’abord, figure un arbre généalogique qui guide bien le lecteur pendant un petit moment ; le membre de la famille qui est le centre du roman est Mevlut, un homme arrivé à Istanbul en en 1969, après une enfance villageoise.
Les bonheurs, les chagrins, le quotidien, la vie quoi ! de cette famille sont rapportés de façon précise , mais pas de façon chronologique, chacun y apporte sa touche personnelle, même l’auteur qui vient parfois reprendre le lecteur par la main, ce qui est bien plaisant , fallait y penser.
Comme dans toute famille, certains ont plus de réussite en affaires , certains plus volontaires que d’autres, et Mevlut, lui, le bon garçon qui rêve comme les autres , a bien du mal , sans l’aide de ses frères à se sortir de la misère.
Son bonheur secret , tout en essayant plusieurs métiers, c’est de traverser la ville tard le soir pour vendre la « boza », une boisson traditionnelle turque, fabriquée artisanalement,mais pour les jeunes générations, achetée en bouteille au supermarché. Seuls lui restent des clients nostalgiques des vendeurs ambulants «  d’ avant » .
L’évolution des mœurs est aussi au centre de ce roman . Et la vie amoureuse de Mevlut débute sur un énorme malentendu. Mariages arrangés ou pas , l’auteur raconte, tout en restant éloigné de toute controverse.
La politique est évoquée aussi , le nom d’Atatürk est souvent cité.
Le roman se termine en 2012 ,Mevlut a 56 ans, sa vie a connu pas mal de soubresauts , comme son pays tant aimé, la Turquie.
Il est de très gros romans parfois un peu longuets, pas ceux d’Orhan Pamuk qui avait déjà conté en 2003 dans « Les souvenirs d’une ville » et cette fois à travers une grande famille bourgeoise, l’amour qu’il éprouve pour son pays.

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