Dans le jardin d'un hôtel
Gabriel Josipovici

Quidam Editeur
mars 2017
160 p.  17 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

L’art de la conversation

L’auteur britannique Gabriel Josipovici est trop méconnu en France, malgré une œuvre brillante et un travail d’édition qu’il faut saluer. « Dans le jardin d’un hôtel », publié initialement en 1993, est un roman presque entièrement dialogué, sur les chemins de vie qui s’offrent à chacun de nous.

En apparence, l’intrigue serait presque familière : une rencontre dans un hôtel des Dolomites entre deux touristes anglais, Ben et Lily. Le premier est accompagné de Sandra, d’humeur maussade, qui ne supporte pas la montagne, ni le dépaysement, ni le thé qui a un goût de camomille… Lily est seule et fait étape dans les Alpes après être allée à Sienne voir le jardin d’un hôtel cher au cœur de sa grand-mère juive. De retour à Londres, Ben confie sa rencontre à ses amis Rick et Fran. Les conversations sérieuses s’insèrent au milieu des propos banals sur le dressage du chien, des caprices de table d’un gamin, de l’épluchage des légumes ou de l’essorage de la salade. Comme le théorisait Nathalie Sarraute, derrière le dialogue, il faut écouter la sous-conversation, remarquablement maîtrisée ici.

Revenons à Lily, qui est au centre des discussions. Sous le charme de cette marcheuse infatigable, Ben tente d’en savoir davantage sur le pèlerinage italien qu’elle s’est imposé comme un devoir de mémoire, sur ce jardin d’hôtel où sa grand-mère est tombée amoureuse d’un violoniste qui sera tué par les Nazis. Mais les motivations personnelles de Lily sont floues et son jardin, métaphore de l’intime, parenthèse dans la vie ordinaire, reste mystérieux. Nombreuses sont les incompréhensions, la parole échouant à transmettre une sensation, un sentiment, comme si l’on s’exprimait parfois dans une langue étrangère. Derrière la simplicité et la rumeur habituelle on ne s’entend pas toujours : « on parle de choses qui pourraient changer notre vie mais c’est comme si on parlait du temps qu’il fait ». Voici un très beau roman sensible doté d’une ironie légère, et qu’on a envie de relire une fois qu’on l’a refermé.

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