De haute lutte
Ambai

Zulma
litterature
février 2015
213 p.  18 €
 
 
 
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quatre femmes tamoules

4 nouvelles qui me font entrapercevoir la vie de 4 femmes Tamoules. Chentaramai, Châyâ, Cempakam et Chentiru ont pour elles une certaine culture ou une culture certaine et de se trouver mariées à des hommes qui, en toute logique indienne, les étouffent. Une fois mariée, elles n’existent plus, perdent toute importance, deviennent quasi invisibles.
Que la femme indienne tamoule soit jeune ou dans la force de l’âge, elle doit lutter contre la tradition, contre l’enfermement moral Quelle qu’elle ait été avant son mariage, une fois unie au destin d’un homme, elle n’est plus rien que son ombre.

Chentaramai découvre, ce qu’était, dans la vraie vie, son père, poète reconnu et renommé, ses agissements envers sa femme et la maison d’éditions que son père lui avait léguée.
Châyâ élabore des lois dans sa tête à l’encontre des maris comme le sien. C’est le moyen qu’elle a trouvé pour supporter le quotidien avec un homme méprisant à son encontre, grippe-sou. La pensée, le rêve, d’un possible divorce lui a traversé l’esprit.

« Dites-moi ce qu’il y a de révolutionnaire à dire qu’une veuve ne peut espérer retrouver l’accès à une vie digne de ce nom qu’en se remariant ? Nous devrions plutôt l’aider à étudier et à trouver un travail. »
« Quand vous affirmez qu’il est nécessaire de lui associer un homme pour lui offrir un nouvelle vie, c’est comme si vous disiez qu’elle doit toujours rester sous le contrôle d’un représentant du genre masculin, qu’elle doit se glisser dans son ombre, qu’il est son seul refuge possible. » Ces tirades de Râmasâmi, mère de Chentaramai me paraissent être un très bon raccourci aux quatre nouvelles d’Ambai.
Cempakam, chanteuse et musicienne hors pair, reconnue, élue par son maître Ayya ne chantera plus en public une fois mariée au fils de celui-ci et contre son avis. Mais…

Chentiru, elle, est soutenue par son mari mais préfère, les enfants élevés, s’enfoncer dans la forêt pour ne vivre que de poésie et de nature. Dans cette nouvelle s’entremêle la vie de Chentiru, ce qu’elle écrit et la légende.

Ces portraits de femme sont très intéressants et montrent qu’il est très difficile, malgré quelques avancées, d’être femme en Inde, de vouloir vivre sa propre vie. Certaines osent se révolter, certaines trouvent des palliatifs pour supporter leurs vies. Comment faire pour respecter la tradition alors que vous voudriez crier à l’injustice ? Comment ne pas se révolter alors que vous avez un don, beaucoup d’instruction et que l’Autre, le mari, veut et doit briller à votre place ? Comment ne pas se révolter alors que vous êtes chef d’entreprise et que les hommes ne veulent pas avoir à faire à vous et vous ignorent ? Comment ne pas réagir face à ces maris, sont toujours en train de récriminer contre leurs femmes, trop chaud, trop de ceci, pas assez de cela, trop cher, tu es la femme de qui… ? Pourquoi cette si grande distance entre les agissements des pères et des maris ? Ces 4 femmes sont très attachantes et montrent, une fois de plus, le poids écrasant de la tradition et la complexité très grande de la femme dans ce pays. Comme souvent, la vie maritale est faite de petites victoires et de grands désenchantements.
L’écriture d’Ambai est belle, poétique, fine, fluide, subtile avec juste ce qu’il faut d’ironie pour ne pas plomber le livre. Aucune pleurnicherie ne vient altérer les descriptions. J’ai aimé sa façon de parler de la musique et de la littérature tamoules, de sa richesse, de son importance. J’ai aimé les traductions de quelques rimes des chants traditionnels. Mon seul regret ? Le glossaire des noms tamouls en fin de livre que je n’ai découvert qu’à la fin de ma lecture.

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