Flora
Gail Godwin

Traduit par Laetitia Devaux
Joëlle Losfeld
avril 2014
288 p.  22,50 €
 
 
 
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coup de coeur

Du côté des petites filles.

Gail Godwin est née en Alabama, aux Etats-Unis, en 1937. Elevée par sa mère et sa grand-mère, elle a toujours semé des petits cailloux autobiographiques dans son œuvre romanesque très riche. Le « Washington Post » a inscrit « Flora », son dernier roman en date, dans sa liste des « Notable Fiction of 2013 ». Il s’agit du récit rétrospectif que la narratrice adulte, Helen, écrit sur l’été 1945, au cours duquel Flora, une parente éloignée, est venue vivre avec elle.

Nous sommes à la fin du mois de juin 1945. En août, Helen va avoir onze ans. Très tôt orpheline de mère, elle vient aussi de perdre Nonie, sa grand-mère adorée, quelques mois auparavant. Son père, proviseur de lycée, profite des congés scolaires pour se rendre dans le Tennessee en mission secrète, afin de « participer à l’effort de guerre ». Il invite la cousine de sa défunte femme, Flora Waring, âgée de vingt-deux ans et future enseignante, à venir veiller sur sa fille pendant son absence. Helen n’a vu Flora que deux fois en tout et pour tout dans sa jeune vie : lors des funérailles de sa mère et lors de celles de sa grand-mère. Eduquée par un père instable et alcoolique et par une aïeule fantasque et passéiste, Helen est une enfant solitaire, au caractère décidé, héritière du tempérament hautain et méprisant de sa grand-mère. Elle cohabite dans son petit monde avec les fantômes qui hantent la maison familiale décrépite, et c’est avec circonspection qu’elle voit l’arrivée de cette cousine lointaine, une intruse débarquant de son Alabama natale avec un fort accent du Sud, sensible à l’excès et soucieuse de bien s’acquitter de son devoir de baby-sitter. Toutes les deux vont vivre un huis clos forcé dans la maison des Anstruther, interdites de sortie à cause d’une épidémie de polio, ne recevant la visite hebdomadaire que de la femme de ménage qui communique avec les morts, et du commis serviable de l’épicerie, un dénommé Finn, qui vient régulièrement livrer leurs provisions.
Flora déploie tous ses efforts pour apprivoiser la fillette critique et duplice dont elle a la charge, et qui cherche son identité en s’accrochant aux légendes enfermées dans les vieux meubles de la sombre demeure. Helen, qui a toujours appris à réprimer ses émotions, se sent plus mature que Flora, à qui elle attribue un complexe d’infériorité, et parfois ne sait plus très bien qui est la gardienne de l’autre. Grâce à la jeune femme, elle parvient toutefois à s’ouvrir à l’enfance et à se laisser bercer par une complicité naissante. Ensemble, elles jouent à la maîtresse, lisent et frissonnent de plaisir en écoutant des histoires fantastiques le soir à la radio, pelotonnées sur le sofa. Cependant, une tension flotte, qui devient inquiétante et palpable à mesure que l’été avance et que l’anniversaire d’Helen approche.

L’auteur mène son roman d’une main de maître. Les deux héroïnes, l’une méfiante, l’autre craintive, apprennent à se connaître, dans un climat lourd et chargé d’épais nuages, comme avant un orage. Si Flora a laissé son empreinte à jamais dans la vie d’Helen, Gail Godwin, elle, laisse la sienne sur son lecteur en lui procurant cette agréable sensation de ne pas pouvoir refermer le livre avant de l’avoir terminé.

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