L'instant décisif
Pablo Martin Sanchez

Traduit de l'espagnol par Jean-Marie Saint-Lu
Editions La Contre Allée
la sentinelle
septembre 2017
320 p.  20 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Vingt-quatre heures chrono

En 2014, Pablo Martin Sanchez est devenu le premier membre espagnol de l’OuLiPo. On retrouve d’ailleurs l’influence de Georges Perec dans son roman qui se déroule à Barcelone sur vingt-quatre heures, le 18 mars 1977 (sa propre date de naissance), où il imagine le destin croisé de six personnages dont les voix se succèdent.

Le lecteur fait la connaissance de Clara, une collégienne insomniaque, angoissée par la sortie scolaire du lendemain, où elle redoute d’être confrontée à un garçon de sa classe. Clara est la fille de la gardienne d’immeuble où habite aussi Monsieur Raich, un promoteur immobilier véreux. Dans son salon trône depuis soixante ans un portrait de sa mère, juge sévère des mœurs de cette époque à l’aube d’élections démocratiques. Un peu plus loin, Gerardo, professeur d’université et activiste au passé trouble, entame une relation avec Carlota, une étudiante en journalisme, qui elle-même enquête sur un trafic de bébés volés. Enfin, Solitario VI, un lévrier de course en fin de carrière, s’apprête à s’élancer sur la piste du cynodrome, sans se douter que la jeune Clara, qui planifie d’échapper à son excursion, le délivrera de son propriétaire indigne. Pendant ce temps, à l’hôpital de Tarragone, un bébé voit le jour.

Ces personnages vont se croiser sur fond de tension politique et de manifestation étudiante. Tous seront mêlés de près ou de loin aux troubles de la rue, qui font écho à leurs propres tourments. Dans ce texte, l’auteur voulait montrer « la violence sous toutes ses formes et avec tous ses masques » : la corruption, le trafic de nouveau-nés, le harcèlement scolaire, sexuel, le machisme, la maltraitance animale, le radicalisme politique, la répression policière, en résumé une brutalité intime et sociale intemporelle. Le roman est orchestré comme un ballet où chacun devra jouer son rôle dans la tragédie latente ; entre destin individuel et destin collectif, le hasard est un entremetteur qui connecte habilement les fils narratifs, préparant la scène comme un berceau pour l’enfant à naître, symbole de la démocratie nouvelle. Une réussite !

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