critique de "L'Outsider", dernier livre de Stephen King - onlalu
   
 
 
 
 

L'Outsider
Stephen King

Albin Michel
janvier 2019
576 p.  24,90 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Une bonne lecture, chargée de surprises…

Me voici de nouveau face à un roman de Stephen King comme un enfant devant un sapin de Noël… regorgeant de cadeaux d’un genre bien particulier… On y trouve de multiples abominations (on sait d’avance que Stephen King va nous emmener là où nous n’avons pas envie d’aller… et pourtant on y va quand même, et avec plaisir…), des terreurs insaisissables diaboliquement orchestrées et distillées de façon insidieuse et efficace… Mais ce n’est pas tout : voilà qu’entre deux cadeaux empoisonnés (l’un contenant les tortures infligés à un jeune garçon et l’autre les hallucinations traumatisantes d’un flic alcoolique atteint d’un cancer fulgurant, par exemple), quelques surprises de taille sauront rapidement convaincre le lecteur de la valeur de ce roman.

L’Outsider est construit comme un bon polar, dans la lignée de Mr Mercedes, Carnets noirs et Fin de Ronde. On y trouve à bien des égards des similitudes avec CA et Docteur Sleep, qui raviront les fans. A propos de ces fameuses surprises que l’on découvrira au fur et à mesure de la lecture , Stephen King devient coutumier des références à ses propres livres, élargissant l‘univers partagé, dont il est le Dieu créateur. Une règle en écriture : quand on ouvre une porte, on la referme… Stephen King utilise cette règle à bon escient et cela tombe bien : son univers est empli de portes et de corridors qui ne demandent qu’à être ouvertes, refermées et arpentés… Jouissif, je vous l’avoue pour un mordu du maître…

L’histoire donc, commence ainsi : le corps de Franck Peterson, 11 ans est retrouvé violé et mutilé dans un parc de Flint City, Oklahoma. Plusieurs témoignages ainsi que des empreintes accablent Terry Maitland, professeur d’anglais, entraîneur du club de base-ball, et bon père de famille. L’inspecteur Ralph Anderson, dont Maitland a entraîné le fils, certain de sa culpabilité, l’arrête publiquement lors d’un match de base-ball. Maitland nie farouchement et fournit un alibi en béton : le jour du meurtre il assistait, à 100 kilomètres de là et accompagné de trois collègues, à la conférence d’un célèbre auteur de romans policiers…

Howard Gold, avocat, aidé d’un détective privé parvient à prouver la présence de Maitland à la conférence, alors que les policiers trouve les traces ADN du suspect sur les lieux du crime. La situation est complexe, d’autant plus que l’hypothèse du jumeau est éliminée rapidement… Devenu paria dans sa propre ville, Maitland est emmené au tribunal où l’attend une foule déchaînée. La manoeuvre vire au drame : Terry Maitland est tué sous les yeux de sa femme par le frère aîné de Franck Peterson… Suite à ce fiasco, Ralph Anderson est placé en congés administratif, mais rongé par la culpabilité et atterré par ce problème insoluble, il poursuit l’enquête, aidé par Yunel Sablo, policier et de Howard Gold . Le trio sera rejoint par une invitée de marque (une très bonne surprise pour ma part), qui parviendra à convaincre ses comparses de la présence du surnaturel dans cette délicate affaire. Le fantastique apparaît donc dans la seconde moitié du livre, par des références à la légende hispanique d’El Cuco, le croquemitaine dévoreur d’enfants…

De nombreux ingrédients sont donc présents pour faire de cette recette un succès du maître : les peurs ancestrales, le portrait de l’Amérique au travers d’une petite ville où tout le monde se connaît, les bons vieux tubes rock n’roll… Le pire de la race humaine opposé à des personnages très travaillés et emplis d’humanité auxquels on va forcément s’attacher… Difficile encore de refermer un livre comme celui-là…

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nuit blanche

dormir debout

S.King et moi c’est une longue histoire. Je l’ai découvert vers 25 ans dans les années 80, avec le recueil « Différentes saisons » où il explorait surtout le genre réaliste. J’ai été mordu d’emblée : subjugué, terrifié, ému et amusé, quatre adjectifs pour quatre nouvelles et coup au but, c’était plié. (Je recommande d’ailleurs ce recueil à quiconque veut découvrir King, mais en le prévenant qu’il y a risque d’addiction). Depuis, j’ai vraiment lu la plus grande partie de son oeuvre foisonnante et s’il faut reconnaître que certains bouquins sont des gagne-pains un peu faciles, il a mis si souvent dans le mille avec moi que je peux difficilement m’empêcher d’y revenir, en me disant à chaque fois ce qu’un personnage de ce dernier roman s’est fait tatouer en prison sur les doigts : Can’t (but) Must. Et vice versa haha…
Depuis plus d’une décennie je crois (déjà !), il ne craint pas de délaisser son cher Maine natal et de placer ses intrigues dans d’autres ambiances, géographiquement parlant. C’est à plus de mille kilomètres des égouts où il avait fait naître la créature du « Ca », c’est bien loin du coin de campagne sinistre où Annie Wilkes engraissait sa truie « Misery », c’est à des lieues et des lieues de l’hôtel Overlook de « Shining », ou même du commissariat rural depuis lequel le monologue quasiment ininterrompu de « Dolores Claiborne » m’avait scotché à mon fauteuil toute une nuit, c’est donc dans le sud qu’il nous transporte cette fois, dans une petite ville d’Oklahoma où un homme au dessus de tout soupçon, archétype du type bien, se voit accusé du meurtre horrifique d’un garçonnet, assorti de viol et de cannibalisme. Terry Maitland est en effet confondu par son ADN et quelques témoignages formels, alors qu’au moment du meurtre il se trouvait, devant d’autres témoins et diverses caméras, à des centaines de km de là.
Ralph, l’inspecteur chargé de l’enquête, autre incarnation du type bien, peu enclin à la crédulité envers le paranormal et en particulier envers l’ubiquité, va avoir besoin de temps pour démêler devant nous, lecteurs fébriles jusqu’au happy-end en demi-teinte, l’écheveau terrifiant d’une plongée dans des réalités fort inquiétantes, aidé en cela par quelques autres humains, flics ou pas. Il faut notamment mentionner Holly, une femme étonnante qui a eu son mot à dire et ses choses à faire pour venir à bout de « Mr Mercedes », ce tueur maléfique par qui King, en le créant, entrait avec maestria dans le genre du pur polar réaliste. L’entrée en scène de Holly est d’ailleurs un de ces clins d’oeil aux lecteurs familiers de son univers que King aime faire de façon récurrente, clin d’oeil grâce auquel on se sent chez soi en retrouvant ses repères, ça aussi c’est bien vu maestro…
Mais de l’histoire je ne « divulgâcherai » rien de plus, qu’on se rassure.

Il s’est bien amusé S.King, je parie. Moi en tous cas il m’a bien baladé et je lui en veux toujours autant (à cause de la dette de sommeil) de réussir son coup dans le genre que j’appelle chez lui « Grand-Guignol », où le gore peut bien s’inviter puisque tout est permis. Peut-être pas réussir aussi parfaitement que dans « La ligne verte » (grand chef d’oeuvre du Grand-Guignol Kingien pour le coup, cri d’amour déchirant d’un innocent qui laisse longtemps sa trace dans le coeur du lecteur) mais quand-même avec la classe. Et même si je préfère King depuis toujours dans le genre réaliste, comme dans « Mr Mercedes » justement, ou dans son thriller le plus féministe, « Dolores Claiborne » (mon petit préféré peut-être), je dois reconnaître qu’il a encore réussi son coup avec moi.

Ses personnages, principaux comme secondaires, sont ici comme toujours criants de vérité, pétris d’humanité ordinaire, aptes à l’empathie et la suscitant. Son Amérique middle class est celle que j’ai envie de connaître, celle qui vomit Trump et le bling-bling qui va avec, une Amérique digne où le respect de l’autre saute aux yeux, prend aux tripes et touche au coeur.
A plus de 70 balais le sorcier King, ce monstre de travail, en a encore sous le capot, pas de doute. C’est rassurant. Rassurant de se dire que dans peut-être pas si longtemps je vais encore me laisser harponner par une de ses histoires à dormir debout, à ne pas dormir avant le bout… Merci Mr King, et respect !

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nuit blanche

« Imagine qu’il s’agisse réellement d’une créature surnaturelle. Et si elle découvre que tu la cherches ? »

Terry Maitland, un homme droit et intègre, apprécié de tous, se fait arrêter d’une manière spectaculaire et très dérangeante. Le policier qui est responsable de cette arrestation musclée, Ralph, la fait en toute bonne foi, ulcéré par le fait que Terry ait été en contact avec son propre fils. Il est accusé d’avoir violé, torturé, *mangé* un gamin avant de le tuer. Ses empreintes, son ADN sont partout et ces preuves scientifiques ne mentent pas. Plusieurs témoins l’ont également vu sur les lieux au moment du crime. Sauf que Terry était (aussi ?) au même moment à des centaines de kilomètres et que là aussi, ses empreintes et son ADN sont partout. Terry n’a évidemment pas de frère jumeau, ni aucune explication.
Alors ?
Alors Stephen King est à la manoeuvre et une fois de plus, on plonge tout debout. On se délecte forcément de suivre cette intrigue prenante et on note au passage tous les petits clins d’oeil aux précédents romans (un grand plaisir de retrouver Holly, même si elle est ici un peu caricaturale) mais ce qui fait tout le sel c’est l’instillation lente et délicate de la peur. Comme dans plusieurs de ses autres romans, c’est en détournant le côté effrayant que l’auteur parvient à nous ébranler. Nombre de ses personnages ne veulent pas y croire, sont réfractaires et on est 100 % en phase. Mais comme eux, lorsqu’on se couche et qu’il fait noir on y repense et soudain l’air vibre d’une manière différente et il y a quelque chose d’hostile à l’intérieur même de nos pensées. Le King étire la sauce, laisse planer le doute et le suspens et l’épilogue nous réjouit alors par son côté gore très assumé (à la fois western et horreur), parfait point final à notre imagination qui s’était emballée. Si on n’y croit pas, ça n’existe pas ? C’est peut-être bien tout le contraire, nous dit l’auteur, c’est seulement si vous y croyez que vous pouvez le combattre (direct message de la trilogie « Ça » !). Le tout avec un indéniable accent old school, malgré les iPad et autres réseaux sociaux subrepticement évoqués. Mais moi, j’adore !

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