La note américaine
David Grann

Globe
mars 2018
362 p.  22 €
ebook avec DRM 6,99 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Naissance d’une fiction

L’Amérique s’est faite par les armes, pour l’argent. David Grann l’illustre parfaitement dans son passionnant livre enquête, « non fiction » comme on dit, « La note américaine ».
Une tribu d’indiens, les Osages, se trouve « déplacée » vers un territoire où rien ne pousse, surtout pas l’espoir. Leurs frères se meurent dans des réserves, eux se retrouvent sur une Terre « aux confins de l’Oklahoma ». Une Terre hostile, austère, où les sagesses auront du mal à perdurer, où les récoltes ne prendront pas, où tout finira dans l’alcool et la misère…sauf que sous cette terre se trouve du pétrole, et pas qu’un peu. Les Osages deviennent riches, très riches, en revendant leurs parcelles à des exploitants à des prix exorbitants. Ils roulent carrosse, et attire vite les jalousies, les mesquineries, la rancoeur. Une sorte de revanche de l’opprimé. Tellement blindés, les Osages, qu’on raconte que quand une de leur voiture venait à tomber en rade, ils l’abandonnaient, pour en acheter une autre.
Bien évidemment, hors de question pour la nation naissante de l’ultra profit de laisser faire cela. Les Osages vont commencer à disparaitre, à mourir, brutalement, mystérieusement. Par balle, mais pas que, par dizaines, mais peut-être plus encore. Des exécutions soviétiques que n’auraient pas renié Poutine.
Hoover, jeune patron de ce qui n’est pas tout à fait encore le FBI va choisir de se faire les dents et une première réputation sur cette affaire, et c’est là où la grande histoire rejoint la très grande fable, ou le contraire. C’est là où l’Amérique, dite moderne, naît. L’Amérique du tout pour le profit au delà du profit, pour la richesse au delà de la morale, de la violence politique. L’Amérique des Blancs. Du pouvoir aux Blancs. Comment ces indiens, presque tous massacrés, disséminés, asservis, pourraient résister où que ce soit en quoi que ce soit au Nouveau Monde des Affaires et du Crime Organisé? Crime organisé, au sens littéral. Planifié.
David Grann, qui n’en est pas à son coût d’essai, narre avec juste ce qu’il faut de passion cette histoire dans l’Histoire. L’impitoyable mise en branle du rouleau compresseur Dollar. Le début du grand blanchiment des Etats Unis. Et, en arrière plan, ou en tête de gondole, c’est selon,les premiers pas d’un personnage représentatif mais finalement haï, J Edgar Hoover, qui passera plus de quarante années à écouter, espionner, persécuter, harceler tout ce que les Etats Unis compteront de puissants aux talons d’achille divers et inavoués.
Aujourd’hui, cent ans ou presque après ces faits, les Etats Unis se pilotent toujours par les armes, pour l’argent. Les indiens ont fait fortune dans les casinos, ou sombré dans l’alcool et la misère qui l’accompagne. Et Scorcese devrait faire du très bon livre de David Grann un très bon film à gros budget, tant l’essence même de cette immense contrée étant de métamorphoser toute réalité en fiction.

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