La Princesse et le Pêcheur
Minh Tran Huy

Actes Sud
août 2007
186 p.  18,30 €
ebook avec DRM 7,49 €
 
 
 
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Un premier roman publié en 2007. Nous y retrouvons deux adolescents.

Lan est née en France de parents vietnamiens « Ils avaient en commun un passé difficile, peuplé de maux dont je n’avais pas vraiment idée (la pauvreté, la guerre, l’exil) et des valeurs solides (travail et famille) ainsi qu’une générosité qui dissimulait une obstination et une capacité de survie si stupéfiantes que je m’étonnais parfois d’être leur fille. »

Nam lui est né au Vietnam, il a connu ce que Lan ne connaît pas, les atrocités de la guerre et est arrivé en boat people.

Ces deux ados se reconnaissent naturellement lors d’un leur première rencontre lors d’un séjour linguistique pendant les vacances. Quelque chose les rapproche, une amitié, un amour va naître, ils sont à la recherche de leur identité, de leur culture, de leur racine.

Lan, née en France va sur base de contes et légendes vietnamiennes se forger son identité culturelle. Ses parents lui enseignent le travail, la rigueur et veulent qu’elle apprenne et connaissance sa langue d’origine mais ils se livrent peu sur leur passé.

Nam quand à lui a vécu l’Histoire, la tragédie de son peuple, et arrivé chez nous veut tout oublier, adopter la culture française, d’autres langues et oublier la sienne. Il veut être brillant pour évoluer ici et rendre fier ses parents.

Au fur et à mesure du récit, entre les petits chapitres, un conte nous est petit à petit distillé, un joli témoignage sur un amour manqué. Ce court récit va avec beaucoup de délicatesse et poésie nous faire réfléchir au déracinement, à la recherche de ses origines. Murakami et son monde onirique en toile de fond, tout en finesse et subtilité ce récit rempli d’émotions nous emmène à des réflexions sur l’amour, l’amitié, la triste réalité de l’Histoire du Vietnam, de cette société où dans chaque famille chacun avait choisi un camp parfois opposé à la réalité d’aujourd’hui et cherche sa place dans la société.

J’ai été très touchée et émue sur un conte à la recherche de l’amour et de l’espoir, la douleur d’un amour manqué, autre thème récurrent de ce beau roman.

Ma note : 9/10

Les jolies phrases.

Vivre, c’est se lancer dans un solo, tout en apprenant à chanter ; tenir le rôle principal d’une pièce un soir de première sans avoir jamais répété ; rédiger une histoire d’une traite, sans possibilité de retour en arrière. il n’y a pas de deuxième prise.

Avec le temps, de nombreuses choses se figent, comme du plâtre dans un seau, et on ne peut plus retourner en arrière.

Je me suis ainsi, peu à peu constitué une culture éclectique, mais à trous, et dénuée de toute hiérarchie, Aragon Eluard, Flaubert, Gionao, Hugo, Kessel, London, Maupassant, Mishima, Nabokov, Racine, Sagan, Stendahl, Tchekhov, Zola, Zweig … Je mettais tout sur le même plan, déchiffrant les signes comme un bulldozer rase une maison.

Les mots coulaient de source et j’ai glissé dans cette Ballade comme on plonge dans une eau fraîche en plein été.

J’aimais sa discrétion, son absence d’arrogance, la modestie avec laquelle il parlait du mystère des choses. Il ne cherchait pas à le résoudre; il le respectait, admettait qu’il n’était pas possible de tout dire et de tout comprendre, que la vie était parfois faite de récits en points de suspension, qui ne trouvaient pas de fin ou d’explication.

J’éprouvais à leur égard une cordialité mêlée de gêne. J’avais beau sourire, parler, multiplier les saluts, les témoignages de respect, je ne pouvais m’empêcher de penser que nous devions leur paraître terriblement privilégiés, et d’une certaine manière haïssables.

…dissimuler qu’il existait entre mes cousines et moi un fossé à la mesure de l’océan qui séparait la France et son ancienne colonie au point où il me venait des envies de m’excuser d’être née là où j’étais née même si je n’y pouvais rien.

Pris entre deux, nous partagions quelque chose d’impossible à détruire et de difficile à définir, une sorte de boule noire, dure et compacte qui nous restait en travers de la gorge ; la mémoire, réelle pour lui, creuse pour moi, d’une terre dont l’ombre s’étendait parfois sur nous.

Il me semblait que je contemplais le monde depuis une cellule. La vie passait devant moi sans me prendre dans son cours, et je restais sur le rivage, observant les autres en train de plonger, nager, faire la planche ou même se noyer – au moins faisaient-ils quelque chose…

Ni l’un ni l’autre ne tient à se souvenir. Ils ont préféré vivre, et ils ont eu raison : leur métier et leur ambition suffisent à remplir leur existence et leur passé repose en paix sans qu’ils y voient d’objection.

Une seule chose me semblait plus embarrassante que d’étaler ses problèmes : laisser voir à l’autre qu’on devinait les siens.

J’observe mes parents et je me rends compte, ai-je écrit à mon ami, qu’ils ne sont ni vietnamiens, ni français. Ils ont grandi ici mais à présent qu’ils sont revenus, rien n’est plus pareil. On parle de double culture, de racines transplantées dans un sol, d’héritage à conserver tout en s’intégrant, mais on oublie qu’en réalité, les êtres nés ici et vivant là ne sont de nulle part. Leur identité oscille entre deux pôles qui tantôt cohabitent, tantôt s’affrontent, plaques tectoniques qui se heurtent et créent séismes, montagne et ravins, une recomposition du décor que l’on aurait crue impossible quelques instants plus tôt ; alors on avance sur cette terre nouvelle sans trop savoir où l’on va, espérant toujours qu’à la fin, on trouvera une vois qui nous révélera notre place ici-bas…

Nam a été une exception, mais d’habitude, les histoires, à défaut de finir bien, ne finissent pas toujours mal … Quels qu’aient été les malheurs, tout s’apaise. Les blessés guérissent, quand bien même ils gardent une cicatrice de vingt centimètres de long. L’herbe reverdit, le soleil sèche la plui et on balaie les ruines pour rebâtir sinon un palais, du moins une chaumière.

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