La seule histoire
Julian Barnes

traduit de l'anglais par Jean-Pierre Aoustin
Mercure de France
septembre 2018
272 p.  22,80 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Cet ouvrage fait partie de notre sélection  q u o i  l i r e ? #42
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Nous nous sommes tant aimés

Lorsque Paul, 19 ans, se retrouve sur un court de tennis avec Susan, 48 ans, mariée et mère de deux filles adultes, il tombe simplement amoureux. Il ne se pose pas d’autre question, ne se demande pas ce qu’en diront les habitants de leur village, ce qu’en penseront ses parents, ou ce qu’il se passera dans vingt ans, lorsqu’il en aura 39 et Susan 68… Il ne s’interroge pas non plus sur ce que pourrait ressentir le mari cocu ou les filles qui ont à peu près le même âge que lui… Il est juste in love. Sûr de lui, de leurs sentiments. Une idylle qui débute sous le regard peut-être pas complice, mais en tout cas complaisant du mari. A-t-il compris ce qui se passait sous son toit et s’en accomode-t-il parce qu’au fond ça l’arrange, ou est-il totalement aveuglé parce que le plus souvent ivre ? Peu importe, comme peu importe la fureur des parents de Paul et les ragots qui se déchaînent. Peu importe enfin la différence d’âge car ce n’est pas le propos du livre. Elle devient d’ailleurs au fil des pages presque anecdotique. Paul et Susan décident de vivre leur liaison au plein jour, ils partent vivre à Londres, et ont enfin la liberté dont ils rêvaient. Ils devraient nager dans le bonheur, mais Paul comprend peu à peu que Susan a un sérieux problème avec l’alcool. Le focus du récit se déplace : cela devient non pas l’histoire de deux personnes ayant une grande différence d’âge mais celle d’un couple dont l’un des membres s’effondre peu à peu. Que faire ? Paul se retrouve totalement désemparé. Il n’y a pas de rupture possible, pas après tout ce qu’ils ont bravé. Mais la vie est devenue impossible.

Les sentiments de Susan qui se voit sombrer, ceux de Paul qui se sent impuissant : Julian Barnes décrit cette descente aux enfers avec une délicatesse de dentellière et une émotion de qui a dû passer par là de près ou de loin. C’est vraiment l’un des plus beaux romans de cet automne.

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 Les internautes l'ont lu
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Une seule histoire, on a tous une seule histoire d’amour. D’autres rencontres, d’autres émotions, d’autres baisers, mais une seule histoire.
Celle de Paul commence alors qu’il est encore un très jeune adulte un peu désoeuvré. Sa première année d’université vient de s’achever et il s’ennuie vaguement entre papa et maman dans sa gentille banlieue résidentielle londonienne. On est dans les années soixante, pas de portable pour joindre les copains, pas de réseaux sociaux pour se croire moins seul. Il reste à dormir le plus longtemps possible le matin, pour tuer le temps.
C’est là que la mère (elles ont toujours des idées géniales, les mères…) lui propose d’aller faire un tennis. Pas uniquement pour le tennis mais peut-être pour qu’il rencontre une jeune fille de bonne famille. Elles sont nombreuses à fréquenter le club, les jolies Caroline du coin. En bon fils de famille, Paul obéit… Et fait semblant de s’investir dans les activités qui l’ennuient vaguement…
Jusqu’à ce que se profile un tournoi amateur double mixte et des partenaires tirés au sort : notre Paul se retrouve à jouer avec une certaine Mrs Susan Macleod, quarante-huit ans, mariée à un certain Gordon Macleod (dit Mr Elephant Pants, gentil surnom donné par sa femme), deux filles universitaires : Miss G. et Miss N.S., et une vie bien rangée.
Un truc a lieu, le courant passe, comme on dit…
Paul va fréquenter régulièrement la maison des Macleod, pour un thé, une discussion avec Susan ou son mari. Quelquefois, ils rendent visite à une amie de Susan, une certaine Joan, une originale au caractère bien trempé, un peu portée sur le gin (un personnage extraordinaire!)…
Et puis, un jour, le premier baiser… Et une histoire d’amour, la première pour Paul – c’est moins sûr pour Susan – naît entre ce jeune adulte encore étudiant en droit et cette femme mûre… deux êtres que beaucoup de gens et de choses opposent…
Mais Paul n’avait pas imaginé de quoi l’avenir serait fait, et quel serait le mal qui rongerait Susan… Est-il possible de penser au pire quand on est jeune et qu’on n’a aucune expérience de l’existence ?
Ce qui est sûr, c’est qu’à jamais sa vie sera marquée par ce premier amour : « Un premier amour détermine une vie pour toujours : c’est ce que j’ai découvert au fil des ans. Il n’occupe pas forcément un rang supérieur à celui des amours ultérieures, mais elles seront toujours affectées par son existence… »
Finalement, vaut-il mieux avoir connu l’amour, la passion au risque d’y laisser sa jeunesse et de beaucoup souffrir ou n’avoir jamais aimé ? Est-il préférable « d’aimer moins pour moins souffrir ?» Au fond, a-t-on le choix ?
«… je me remémore le passé, je ne le reconstruis pas. Alors il n’y aura pas beaucoup d’arrangements de décor. Vous pourriez en préférer davantage. Vous pourriez être habitué à plus. Mais je n’y peux rien. Je n’essaie pas de vous raconter une histoire imaginée ; j’essaie de vous dire la vérité.»
C’est effectivement ce qui m’a frappée dans cet admirable texte empreint d’une profonde mélancolie, à savoir ses accents de vérité, de sincérité, de vécu. Cette histoire d’amour – non dénuée d’humour – nous est relatée dans le détail, avec beaucoup de minutie et de subtilité, ce qui la rend très crédible : des grands bonheurs du début jusqu’à la découverte d’une réalité terrible qui vient tout bouleverser et la fin, la terrible fin de l’amour qui se délite et finit par se perdre, comme rattrapé par le quotidien…
Beaucoup de sensibilité dans les mots de ce narrateur qui jette un regard en arrière pour contempler sa vie, l’histoire de son amour avec Susan et l’impact du temps sur ses sentiments.
Un texte bouleversant qui dit simplement ce qu’est la vie, sans illusions.
Magnifique.

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