Le chant des revenants
Jesmyn Ward

Belfond
février 2019
270 p.  21 €
ebook avec DRM 14,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu
coup de coeur

Le chant des revenants de Jesmyn Ward
est le coup de cœur de la librairie La Lison à Lille
dans le q u o i l i r e ? #62

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noir c’est noir

Mississipi, de nos jours. Dans une petite ville du sud, Jojo, préado dégourdi, est élevé par son grand-père vénéré Papy, dont la femme, Grand-mère aimante elle aussi aimée, est en phase terminale d’un cancer et s’éteint doucement dans son lit.
Léonie, sa mère, a sombré dans la défonce depuis la mort de Given, feu l’oncle de Jojo et fils de papy. Adolescente, enceinte de Jojo dès le début de sa relation avec son premier amour Michaël, Léonie s’est vite mariée et la petite Michaëla est née quelques années plus tard. Faute de l’amour que sa mère ne réussit pas à lui donner, la petite dernière s’est accrochée à Jojo, qui forme avec elle une paire fusionnelle et la nomme Kayla au grand dam de Léonie, comme pour signifier le peu d’estime qu’il porte à ses géniteurs.
Michaël purge une assez longue peine, il a peu connu ses enfants. Il est soudain libéré. Léonie se met en tête d’aller le chercher en voiture et d’emmener avec elle ses deux enfants pour les lui présenter. Sa copine Mitsy, qui l’a initiée à la défonce et lui fournit ses substances, est du voyage elle aussi car son mec est dans la même prison de Parchman.
Parchman, Papy en a déjà parlé à Jojo : il y a été incarcéré dans sa jeunesse, pour avoir hébergé son frère après qu’il ait poignardé un blanc. Il y a vécu l’enfer et y a pris sous sa protection un jeune noir, Richie.

A contrecoeur, résigné, sa petite soeur accrochée à son T-Shirt, Jojo monte à l’arrière du pick-up. Les présentations sont faites et « Le chant des revenants » peut vraiment commencer, road-book où des personnages-clefs prennent la parole tour à tour pour le lecteur : Jojo bien sûr et Léonie, mais pas seulement car pour l’auteure les morts ont leur mot à dire dans la vie des vivants, semble-t-il. Richie s’exprime également.

La construction, chaotique comme la vie, nous brosse des portraits poignants de ces trois figures, mais aussi, par ce qu’ils nous en disent, de Papy, de Grand-mère et de Given.
Richie et Given, les revenants, apparaissent à Jojo, Léonie et Kayla, qui seuls ont la faculté de les capter visuellement. Jojo, quant à lui, est le seul à entendre Richie lui parler.

Tout ça donne une ambiance de thriller-saga-familiale-chronique-sociale-voire-politique, où la dénonciation du racisme tient une part non négligeable, où la dureté d’une vie de noir pauvre dans le Mississipi prend corps jusqu’à parfois nous fendre l’âme. Certes, selon moi assez maladroitement et surtout vers la fin à la mort de Grand-mère, Jesmyn Ward flirte avec le fantastique avant un épilogue un poil laborieux, mais j’ai longtemps trouvé son bouquin addictif. Bref, son livre m’a sérieusement accroché dans ses deux premiers tiers et même s’il m’a un peu déçu dans son dernier, au total je lui vote un satisfecit haut la main !

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