Le Pousse-pousse
Lao She

Philippe Picquier
picquier poche
mai 1998
220 p.  8 €
ebook avec DRM 7,49 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

LE POUSSE-POUSSE de LAO SHE

Un jeune homme chinois, Siang-tse, surnommé « Le Chameau » (on en trouvera la signification dans le livre), arrive à Pékin dans les années trente. Sa plus grande ambition est de devenir un tireur de pousse-pousse, mais surtout de posséder le sien propre.

« Le pousse-pousse » (人力車, jinrikisha) est le titre du roman de Lao She, grand écrivain chinois bien connu pour ses histoires empreintes d’une grande profondeur.
Mais qu’en est-il de notre héros, Siang-tse, débarqué de sa campagne et qui va devoir économiser, plutôt mal que bien, yuan, mao et autres piécettes, cela en se faisant d’abord tireur de pousse-pousse à la location, mais en cherchant surtout à se faire embaucher par des particuliers (une place plutôt stable offrant le gîte et le couvert).

Ses calculs sont faits laborieusement car il estime qu’il va lui falloir au moins deux ans pour réaliser son rêve, ce qui lui donnerait plus d’autonomie. Mais pour cela il va traverser de longues périodes de dur labeur, de maladies, de souffrances, de déceptions, de mauvais sorts qui semblent s’acharner contre lui.
Difficile de gagner son bol de riz quotidien. Fonder un couple ? Comment arriverait-il à subvenir aux besoins du foyer ? Il va lui falloir énormément de courage – parfois la chance lui sourit – mais lorsqu’il croit avoir trouvé le « bon particulier », il est chassé au bout de peu de temps ou c’est lui qui démissionne.
Alors il retourne chez Quatrième Seigneur, propriétaire d’un garage qui lui loue un pousse-pousse et l’héberge. Mais il ne faut pas oublier qu’ici, règne aussi Tigresse qui a des vues sur lui mais qui a également un caractère infernal (d’où son nom).

On passe par des rues obscures, sales, des habitations insalubres, partout règne la pauvreté. Mais on a aussi droit à de jolies descriptions du ciel, du cycle des saisons – avec tantôt un été caniculaire et tantôt un hiver glacial ( dans l’attente du printemps, la meilleure et la plus belle saison avec ses fleurs).

L’auteur nous décrit aussi la vie populaire à la fin de l’Empire, des conflits internes secouant le pays. On côtoie des prostituées, des bandits qui ont de bonnes relations avec des honnêtes gens et des petits commerçants. Ça ressemble presque à du Zola transposé à la mode chinoise.

Mais n’oublions notre Siang-tse avec ses tribulations d’un Chinois en Chine et elles sont bien nombreuses. Quand il finit par amasser la somme nécessaire pour s’acheter son pousse-pousse tant rêvé et qui occupe toutes ses pensées, patatras !
Quand il se croit enfin libre, encore un mauvais coup du sort. Mais pourquoi tant de malheurs ? Le courage ne lui a jamais manqué et il est dur au labeur. Alors manque de chance ? Ou faut-il en déduire que la morale de cette histoire est qu’un pauvre restera toujours un pauvre ?
Autre coup du sort : quand Tigresse réussit enfin à l’attirer dans ses filets, cela ne va pas durer bien longtemps. Pourtant il faut mettre à son actif qu’elle a tout fait pour aider son mari. Reste Petite-Fou-tse, une jeune femme, une voisine qui l’aime, elle aussi, mais notre tireur de pousse-pousse va-t-il savoir la garder ?

Ce n’est vraiment pas un roman d’espoir mais celui d’un échec. La faute incombe peut-être à l’entêtement de Siang-tse, ce « cinglé du pousse-pousse »…
On peut lire page 101 : « La vie du pauvre ressemble fort à un noyau de jujube, avec ses deux bouts pointus et son milieu bombé. Les deux bouts pointus, c’est son enfance et sa vieillesse. (…) Pourquoi ne pas chercher le plaisir immédiat en se foutant du reste ?.»

Quand j’ai écrit que cette histoire est pessimiste, autant lire le dernier paragraphe : «  Siang-tse, le grand Siang-tse, le courageux, le fort, celui qui avait tant rêvé, tant cherché la réussite, combien de morts avait-il accompagnés jusqu’à leur tombe ? Lui, le malheureux, le déchu, l’»individualiste » qui croyait pouvoir réussir tout seul, quand donc serait-il enterré avec cette société cruelle et pourrie qui l’avait enfanté ? ».

Plus pessimiste que ça – je vous laisse finir la phrase. Ce n’est pas spoiler le livre car c’est pour ainsi dire résumé sur la quatrième de couverture et cet ouvrage a déjà été longuement et souvent chroniqué.
Petite réflexion sur la couverture du livre : elle avait attiré mon œil par sa simplicité et pourtant si joli : un fond jaune et un pousse-pousse avec une couverture rouge…

Par contre pour rajouter quelque chose de plus personnel c’est que je suis de plus en plus attirée par la littérature chinoise et la littérature japonaise et j’ai été ravie de lire ce roman, le plus célèbre de Lao She pour lequel on eut lire en préface : « Il est des romanciers qui connaissent un destin semblable à celui des personnages qu’ils ont eux-mêmes inventés : Lao She est un de ceux-là. (…)
Les œuvres de Lao She font désormais figure de « classiques » dans le patrimoine chinois culturel, mais il reste une « énigme  Lao She ».

partagez cette critique
partage par email