Le trompettiste tchèque
Dezsö Kosztolanyi

Cambourakis

124 p.  10 €
 
 
 
 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Desz? Kosztolányi (1885-1936) fait partie de ces écrivains trop rares qui réjouissent à chaque lecture ceux qui les connaissent et qui les préservent au cœur de leur jardin secret. Régulièrement, un éditeur passionné publie quelques titres dont on parle peu, trop peu, puis que l’actualité oublie. Nous avons déjà dit dans nos pages le bonheur que pouvait procurer la lecture de Cinéma muet avec battements de cœur ou Kornél Esti. Les lecteurs attentifs à ce qui nous vient de Hongrie ont pu découvrir il y a quelques années Le traducteur Kleptomane et – s’ils ont été séduits – c’est avec un bonheur redoublé qu’ils devraient découvrir ce nouveau recueil de nouvelles. Il s’agit en effet d’une vraie nouveauté, aucune des nouvelles présentées ici n’ayant encore fait l’objet d’une traduction française.

Les nouvelles de ce recueil sont majoritairement des écrits de jeunesse de l’auteur, antérieurs à la Grande Guerre (9 nouvelles réparties entre 1907 et 1913, et une 10e de 1929), mais l’auteur a réalisé pour ces « coups d’essai » de véritables « coups de maître ». Le lecteur y trouvera déjà ce mélange d’ironie et de gravité, de réalisme teinté d’absurde ou de fantastique poétique. On y sourit de la puissance subversive d’une langue tirée, de l’ironie des destins amoureux à la façon d’un Billy Wilder (qui était d’ailleurs d’origine hongroise), de l’inéluctabilité facétieuse de la mort, des hommages en forme de détournements irrespectueux, du pouvoir redoutable et aimable des ballons multicolores, de la violence trop policée des conventions sociales et familiales, de l’insupportable soumission volontaire… tout en voyageant dans cette Europe de fin de siècle (si l’on considère que le XIXe s’étire jusqu’à la catastrophe de 1914) à la fois lointaine et proche, étrange et familière.

Une écriture qui ne semble ne pas avoir pris une ride malgré les années (alors que des romans ou nouvelles bien plus récents semblent d’un autre âge). Sans doute est-ce le signe distinctif de cette littérature, celle que l’on peut lire sans crainte car on pourra sans problème la relire, encore et encore (suivant en cela la recommandation du catalan Jaume Cabré qui estime que l’on ne devrait lire que les livres qui peuvent se relire).

Nous ne pouvons que saluer et applaudir cette initiative éditoriale qui a rassemblé une équipe de jeunes traducteurs de l’Inalco (plus connu comme ‘les Langues z’O’, les langues orientales) dirigé par András Kányádi (Paul-Victor Desarbres, Julia Bavouzer, Catherine Moosmann et Laurent Goeb). Une réussite dont on espère qu’elle nous permettra de découvrir d’autres textes de cet auteur même si l’on a pas le courage ou le temps de se mettre au magyar…

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