Les fantômes du vieux pays
Nathan Hill

Gallimard
du monde entier
aout 2017
720 p.  25 €
ebook avec DRM 17,99 €
 
 
 
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coup de coeur

Les fantômes du vieux pays

Pour apprendre , pour sentir et ressentir l’Amérique depuis les années 60 , rien de mieux que la lecture de ce volumineux et fantastique roman de 700p.
Dix années ont été nécessaires à Nathan Hill, pour écrire ce premier roman auquel rien ne manque et qui parfois semble être un peu « trop » ; je souhaite de tout cœur qu’il lui reste encore autant de fougue pour les années à venir.
De nos jours Samuel Andresen-Anderson, professeur de littérature dans une université qui n’est pas des plus prestigieuses, s’ennuie,ses élèves n’ont que faire de Hamlet, et des études d’ailleurs, à tel point qu’il se retrouve empêtré dans un scandale avec une étudiante pour un devoir copié-collé . Il faut dire que Samuel passe son temps libre sur un jeu « Elfscape » avec des amis virtuels .Ce qui l’empêche de voir l’agression (quelques cailloux jetés) du gouverneur Parker par une femme qui s’avère être sa mère .
Celle ci , Faye , a abandonné enfant et mari il y a bien longtemps et Samuel ne veut plus y penser, jusqu’à ce qu’un éditeur à qui il doit de l’argent pour un livre jamais écrit le somme de s’intéresser à l’affaire et lui demande d’écrire un livre à charge sur sa mère:buzz peut-être mais également catharsis.
De là , retour à son enfance, rencontres avec Bishop, sa sœur Bettany, leur histoire est contée , à ses ancêtres sur le vieux continent, ces fantômes , le « nix » qui hante la famille.
On peut dire qu’une dizaine de romans s’imbriquent subtilement sur cette fresque d’une cinquantaine d’années , qui va des émeutes de Chicago en 68, des années d’occupation de Wall Street , du « flower power » d’Allan Grinsberg à la Norvège. Chaque chapitre est un univers à lui seul, d’où parfois cette sensation de longueur qui s’efface bien vite.
Tout y est juste, l’utopie hippie , l’ addiction aux jeux en ligne, la jeunesse ultra-connectée, la crise financière de 2011 valent un cours d’Histoire. Mais avant tout , ce sont les rapports humains qui dominent dans cet ambitieux roman , où l’abandon de l’enfant par sa mère prend la plus grande part. C’est peut-être cet acte qui fait rater le plus souvent les belles rencontres que fait Samuel.
Un roman qui ne s’oublie pas.

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coup de coeur

« Mais le regret, en fin de compte, était un sentiment assez élastique et toujours relatif. »

« – Tu as parlé à Alice ? demanda Samuel.
– Ouaip.
– Comment elle était ? Quelle impression t’a-t-elle fait ?
– Elle m’a semblé particulièrement intéressée par la moutarde.
– La moutarde ?
– Ouaip.
– C’est de l‘argot ?
– Non. La moutarde, la vraie, renchérit Pwnage. Elle est passionnée par la moutarde.
– Je ne comprends pas.
– Moi non plus. »

Quand il avait onze ans, la mère de Samuel Andresen-Anderson est partie. Elle les a laissés, son père et lui, et il n’a plus jamais entendu parler d’elle jusqu’à ce jour de 2011 où elle fait le buzz : elle a lancé des cailloux au gouverneur pressenti pour être candidat à la présidence. Coincé par son agent (il a touché une très grosse somme dix ans plus tôt pour écrire son premier roman et n’a rien fourni), il doit maintenant écrire un livre bien racoleur sur sa mère. L’occasion de revisiter le passé…

« Pwnage avait dit à Samuel que chaque personne qui nous entoure représente un ennemi, un obstacle, une énigme ou un piège. Pour Samuel comme pour Faye, dans le courant de l’été 2011, le monde entier était un ennemi. La seule chose qu’ils espéraient encore de la vie, c’était qu’on les laisse tranquilles. Mais le monde n’est pas supportable pour qui y est seul, et plus Samuel a plongé dans l’écriture, plus il a compris à quel point il se trompait. Car en ne voyant les gens que comme des ennemis, des obstacles ou des pièges, on ne baisse jamais les armes ni devant les autres ni devant soi. Alors qu’en choisissant de voir les autres comme des énigmes, de se voir soi comme une énigme, on s’expose à un émerveillement constant : en creusant, en regardant au-delà des apparences, on trouve toujours quelque chose de familier. »

Découpé en dix parties qui alternent présent et passé, ce premier roman est un enchantement. Sous d’apparentes digressions il tisse une toile bien serrée où de nombreuses surprises attendent le lecteur. Un sens des dialogues très réjouissant se mêle à une réelle capacité à mettre en mots les sensations diffuses – j’y ai trouvé par exemple (et entre autres) la meilleur description du phénomène de la panne de lecture (dans le roman, il s’agit de jeux vidéos). Quel que soit le sujet abordé, d’ailleurs, on ne cesse de se répéter « mais oui, c’est ça, c’est exactement ça », et ça participe à ce plaisir si intense, cette envie de cesser toute activité pour enfin pouvoir se replonger dans ces sept cent pages qu’on aimerait étirer encore et encore. Un grand coup de coeur !

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