Les Révolutions de Bella Casey
Mary Morrissy

traduit de l'anglais par Aline Azoulay-Pacvon
Quai Voltaire
quai voltaire
mars 2016
320 p.  22 €
ebook avec DRM 15,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Une anti-héroïne inoubliable

Pour peu qu’on s’y attarde un peu, la couverture de cette nouvelle pépite des éditions Quai Voltaire donne d’intéressantes indications de lecture. L’auteure elle-même ne s’y est pas trompée qui l’analyse sur son site internet : on y voit un piano abandonné dans une rue, tandis que les flammes dévorent les façades en arrière-plan. A l’instar de l’héroïne, Bella Casey, ce piano tient debout dans un Dublin en feu. Le roman débute sur l’insurrection irlandaise de Pâques 1916. Bella, jeune mère de famille, est dehors avec son jeune fils pour trouver à manger. Inconsciente face au danger, elle décide de ramener dans leur logis ce piano abandonné. Une scène d’ouverture qui campe un aspect de la personnalité de Bella trompeur… Des révolutions intérieures, cette femme en connaîtra plus d’une ! Sœur ainée d’un chantre de la scène nationaliste naissante en Irlande (pas encore république et toujours sous le joug de l’Angleterre), Sean O’Casey.

Mary Morrissy s’est appuyée sur cette figure authentique de la scène littéraire (et politique) pour broder la vie imaginaire de Bella que Sean « assassine » dans ses Mémoires (dix ans avant sa vraie mort pour cause de fièvre espagnole). Une ambiguïté entre frère et sœur que la romancière retranscrit à merveille. Comment Bella, jeune fille effrontée et déterminée est-elle devenue une épouse malheureuse, puis une mère dans l’incapacité de subvenir aux besoins de ses cinq enfants? Il faut se laisser porter par les flash-back, assister impuissant aux accidents qui transforment irrémédiablement Bella. Elle est cette jeune institutrice idéaliste qui vacille devant les gestes déplacés de son directeur d’école, un homme d’église tout-puissant ; puis cette épouse qui lutte pour conserver un semblant de dignité dans une relation condamnée. Bella paiera chèrement ses envies d’émancipation et de volonté d’indépendance, broyée par des hommes qu’elle ne sut comprendre ou tenir à distance. Son frère ne lui pardonna jamais tout à fait d’avoir épousé un soldat anglais et d’avoir abdiqué ses rêves de jeunesse.

Combative, passive, passionnée, fragile, dépassée puis hargneuse par la force des choses, mendiante pour survivre, amère, Bella n’est pas une héroïne qu’il est facile d’aimer. Mais quel personnage passionnant…

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