L'homme du verger
Amanda Coplin

Traduit de l'anglais par Laurence Kiefé
BOURGOIS
avril 2014
546 p.  23 €
ebook avec DRM 16,99 €
 
 
 
 La rédaction l'a lu

Un premier roman bluffant

 Au tournant du XIXème siècle, Talmadge vit isolé dans une immense propriété fruitière du nord-ouest des Etats-Unis. Il cultive seul cette terre depuis plus de quarante ans, après la disparition mystérieuse de sa sœur lors d’une balade solitaire en forêt. Mais un jour, alors qu’il est descendu en ville comme chaque semaine vendre sa production, il remarque deux très jeunes délinquantes, enceintes, qui lui volent quelques pommes. Peu après, il les aperçoit sur sa propriété. Tour à tout intrigué puis ému par ces deux « sauvageonnes », il décide de les apprivoiser. Sans savoir que le destin de Jane et Della, ces deux sœurs de cœur et de douleur, va bouleverser durablement le sien…

Pour son premier roman, Amanda Coplin réussit un tour de force sur un thème assez classique : les liens du cœur font-ils les liens du sang ? En peu de mots elle esquisse la sensibilité des êtres, la sensualité des paysages et la profondeur des sentiments. On est très vite envouté par ses mots et ému par ses personnages. Avec un talent de conteuse hors-pair, l’auteure déroule sa toile de manière implacable pour mieux nous ferrer. Le lecteur passe de surprises en découvertes et tourne les pages fébrilement. On n’est pas près d’oublier ce magnifique verger, ces êtres authentiques et leurs aventures bouleversantes, pourtant si loin de nos univers modernes.

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 Les internautes l'ont lu
coup de coeur

Western envoûtant

C’est l’histoire d’un homme très solitaire au milieu de son verger. Il avait neuf ans quand il est arrivé dans cette vallée (on était en 1857), il aura dans les quatre-vingt quand ses yeux s’y fermeront définitivement. Une vie entière. Une vie d’homme. Qui a vu mourir sa mère, disparaître sa soeur. Il faut savoir que c’est de famille, cette difficulté aux autres. Sa mère déjà était très éprouvée de devoir seulement parler à qui n’était pas son intime, sa soeur dans une grande mesure également, Talmadge, lui, aime la solitude quand elle peut se briser, il a plaisir à passer du temps en compagnie d’amis. Son truc à lui, ce serait plutôt la lenteur. Calmement, venir à bout de tout ce qu’il entreprend. Il s’occupe ainsi de son verger pendant quelques décennies, seul, avec une vie sociale réduite mais existante. Un jour, à la cinquantaine, il apprivoise – malgré lui, deux sauvageonnes. Deux gamines, dont la plus âgée a peut-être treize ans, enceintes jusqu’aux yeux. Elles modifieront profondément sa vie…

Western envoûtant qui chante les grandes étendues américaines, ce premier roman est formidablement captivant. Avec une grande économie de moyens, il sublime les taiseux et les traumatisées, et tout en redéfinissant le savoir-vivre ensemble (et les liens familiaux, du sang ou des contingences) il cherche à percer les mystères du silence. Tout est non-dit au long des pages, tout est sensation, perception, reconnaissance implicite et foudroyante ou drames de ce qui n’est pas osé, pas tenté. La tonalité générale est grave et douce, c’est un roman apaisant et douloureux.

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coup de coeur

La force des liens du coeur

Liens du cœur contre liens du sang… Qu’est ce qu’une famille ? C’est la question finement posée et explorée par ce magnifique roman, un vrai coup de cœur.
L’homme du verger c’est Talmadge, un solitaire qui vit depuis près de cinquante ans au rythme de la nature, avec ses arbres pour seuls compagnons ou presque. Nous sommes à la fin du XIXème siècle, dans un endroit reculé de la Californie où Talmadge est arrivé à l’âge de neuf ans avec sa mère et sa sœur, après la disparition de son père alors mineur. Guidé par sa mère, le garçon devient vite un expert des arbres fruitiers avec lesquels il fait corps, développant son verger parcelle après parcelle en compagnie de sa sœur. Mais il ne tarde pas à se retrouver seul, après la mort de sa mère lorsque sa sœur disparaît brutalement et mystérieusement. Les années s’écoulent, paisibles et solitaires, au rythme des récoltes pour lesquelles Talmadge est aidé par un groupe d’indiens, dresseurs de chevaux qui faisaient halte dans sa prairie bien avant son installation et ont continué ensuite, tissant des liens silencieux mais néanmoins bien réels. Talmadge vend ses récoltes sur les marchés, en ville où réside également sa seule amie, Caroline Middey, une guérisseuse qui s’est occupée de lui après la disparition de sa sœur.
C’est dans ce contexte que surviennent deux filles, à peine adolescentes, deux sauvageonnes effrayées et farouches qui s’installent à proximité de son verger. Qu’ont-elles senti en lui qui les incite à tenter de lui faire confiance ? Quelle corde ont-elles touchée chez lui pour qu’il décide de les nourrir puis de les protéger ? Est-ce leur état (elles sont enceintes toutes les deux) ou le drame qu’il devine être la source de leur fuite ? Une longue période d’apprivoisement commence alors faite d’observation réciproque et silencieuse. Jusqu’à ce que le passé fasse irruption, changeant irrémédiablement le destin de chacun des protagonistes dont l’histoire se développe sur les vingt-cinq années suivantes…

Talmadge est un homme simple et bon qui fait tardivement l’apprentissage de quelque chose qui ressemble à la paternité ; Amanda Coplin déroule le fil de son histoire avec une sacrée dextérité, des mots magnifiques pour dire le sel de la vie, la confusion des sentiments, la difficulté de les reconnaître et de les exprimer. Sous nos yeux, une famille se construit, des liens se tissent, l’amour naît… C’est magnifique et terriblement poignant. Vraiment une très jolie découverte.

Retrouvez Nicole G sur son blog   

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